Edward Hincks, le premier, reconnut en 1850 que le cunéiforme assyrien n'avait pas été inventé au départ pour noter une langue sémitique. Sa clairvoyance était remarquable. En effet, les débats autour de l'existence d'une langue non sémitique antérieure à l'assyrien agitèrent le monde des spécialistes pendant un demi-siècle, de 1850 à 1905 : à cette date, l'existence de la langue sumérienne était devenue indiscutable.
Dans la mise en évidence d'une langue plus ancienne que l'assyrien, les syllabaires de la bibliothèque d'Assurbanipal à Ninive jouèrent un rôle essentiel. Le même signe y était à lire AN quand il signifiait « ciel » et DINGIR quand il signifiait « dieu ». D'où la question que se posèrent les premiers déchiffreurs : n'a-t-il pas existé une langue dans laquelle « ciel » se disait AN et « dieu » DINGIR ? La logique voulait que ce soit pour cette langue que l'écriture cunéiforme ait été inventée : l'assyrien n'aurait fait que l'emprunter et l'adapter. Cela permettrait d'expliquer le mélange qu'on trouve dans les textes assyriens entre les notations logographiques et phonétiques : on pouvait y écrire « ciel » avec le logogramme AN (un seul signe signifiant) ou avec la séquence syllabique šá-mu-ú rendant le mot assyrien šamû « ciel ».