L'enseignement de l'assyriologie, des débuts à 1905

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Ce cours a abordé un aspect jusqu'à présent négligé par l'historiographie : le passage de la génération des fondateurs à la formation de spécialistes qui prirent peu à peu leur relève. Il s'agissait de voir dans quelles conditions institutionnelles un nouveau champ du savoir, l'assyriologie, s'est développé.

Le premier lieu à mentionner est l'École des langues de la Bibliothèque impériale, où Jules Oppert devint professeur de sanscrit et de philologie comparée en 1857. C'est là qu'il écrivit certains des livres les plus importants de sa carrière : une Grammaire sanscrite, publiée en 1859 et rééditée en 1864, puis les deux volumes de l'Expédition scientifique en Mésopotamie en 1858 et 1863, et enfin ses Éléments de la grammaire assyrienne en 1861, avec une seconde édition en 1868. La Bibliothèque impériale dispensait des enseignements non seulement de langue, mais aussi d'archéologie : à la mort de Beulé, en 1874, le poste échut à François Lenormant. Mais les publications assyriologiques de ce dernier, très nombreuses de 1873 à 1875, cessèrent complètement par la suite.

L'entrée de l'assyriologie au Collège de France se fit progressivement. En 1861, Oppert ne réussit pas à y obtenir la succession d'Étienne Quatremère, qui revint à Renan. Faute de place à la Bibliothèque impériale, le cours d'Oppert fut transféré au « Collège impérial » en 1869. Puis il y devint un « enseignement complémentaire » en 1873 et finalement un décret de février 1874 créa la chaire de « de philologie et archéologie assyrienne[s] » à laquelle Jules Oppert fut immédiatement nommé ; il devait l'occuper un peu plus de trente ans, jusqu'à sa mort en 1905 à l'âge de 80 ans. Avant 1901, il ne nous reste que les affiches pour connaître les sujets qu'il traita dans ses cours : grâce à l'Annuaire qui fut ensuite créé, nous avons davantage d'informations sur ses cinq dernières années d'enseignement. Les sujets abordés par Oppert furent très variés et suivirent de près l'actualité scientifique. Les textes étudiés étaient rédigés aussi bien en sumérien qu'en akkadien ou en élamite ; il s'agissait d'inscriptions royales, de textes littéraires comme le cylindre A de Gudea ou l'épopée de Gilgameš, de lettres comme celles découvertes en Égypte à Tell el-Amarna, ou encore de textes juridiques comme ceux découverts à Suse – dont le fameux Code de Hammurabi.

À la Sorbonne, l'assyriologie fut d'abord enseignée sous la forme de « cours libres » donnés par le magistrat rouennais Joachim Ménant en 1869, qu'il publia en 1873 sous le titre Leçons d'épigraphie assyrienne. L'École pratique des hautes études avait été fondée en 1868, mais l'assyriologie n'y fut enseignée qu'à partir de 1872 par Stanislas Guyard, dont la spécialité était avant tout l'arabe et le persan. Guyard dirigea le diplôme sur l'inscription de Bavian préparé par Henri Pognon et c'est ce dernier qui introduisit officiellement l'enseignement de l'assyrien à l'EPHE, pendant les trois ans où il fut chargé de cours, de 1878-79 à 1880-81. En 1881, Arthur Amiaud devint maître de conférences et forma des élèves tels que l'abbé Loisy ou le père Scheil ; il mourut en 1889 avant d'atteindre ses quarante ans. Entre-temps, Oppert avait été nommé directeur d'études à l'EPHE en 1883, mais il n'y enseigna jamais. Il fallut attendre 1895 pour que Amiaud fût remplacé : c'est alors que le P. Scheil devint maître de conférences, étant promu directeur d'études adjoint en 1902. On peut dire que c'est Scheil qui fit de l'EPHE le centre de formation français à l'assyriologie par excellence. À la section des sciences religieuses, fondée en 1886, un cours de « religion assyro-babylonienne » fut assuré de 1891 à 1899 par un personnage assez falot, l'abbé Quentin ; il eut Charles Fossey comme successeur.

Deux établissements parisiens doivent encore être mentionnés. D'abord, l'École du Louvre, créée en 1882, où l'assyriologie fut aussitôt enseignée par un personnage non conventionnel, Eugène Ledrain, jusqu'à sa mort en 1910. Ensuite, l'Institut catholique, où de 1886 à 1912, l'assyriologie a été enseignée successivement par les abbés Alfred Loisy et François Martin.

La diversité institutionnelle des établissements parisiens énumérés ci-dessus est à souligner. Certes, l'assyriologie trouva sans trop de peine sa place dans le cadre de l'orientalisme tel qu'il existait au XIX^e siècle. Elle était considérée comme une discipline érudite s'occupant avant tout à déchiffrer et éditer des textes. Mais elle resta marginale d'un point de vue universitaire. Il faut bien avouer que la France n'offrit à cet égard rien de comparable à ce qui a existé en Allemagne, où des chaires universitaires furent consacrées à l'assyriologie à partir de 1877 à Leipzig, puis Berlin, Munich, etc.