Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Dans un monde qui n’a jamais paru si dangereux, pourquoi lire de la littérature ? Beaucoup diraient, y compris le pape François : pour mieux comprendre ce monde, mieux en pénétrer la réalité. C’est vrai en particulier lorsqu’on se situe sous le régime réaliste de la littérature. Toutefois, la littérature sert aussi à s’échapper, à voir un autre monde. Elle offre, comme toute expression artistique, une place où nous sommes chez nous, dans notre univers intérieur. C’est la pathologie dont souffre don Quichotte, à ceci près que le monde irréel que voit l’ingénieux hidalgo n’est que du réel déformé. Le processus qui permet inversement de passer de l’irréel au réel porte un nom : c’est la lecture ou interprétation, qui forme l’objet de ce cours.

Entrons dans l’Arcadie que représente le bonheur de lire avec un tableau portant à la fois sur l’Arcadie et sur la lecture : Les Bergers d’Arcadie ou Et in Arcadia ego de Nicolas Poussin, conservé au Musée du Louvre. Si le mythe de l’Arcadie s’est développé à partir de la poésie pastorale grecque et latine, la modernité a conféré à cette région de Grèce, qui n’était pas encore un lieu mythique, une seconde dimension : celle du temps. L’Arcadie de la Renaissance est non seulement lointaine, mais ancienne : cette double distance en fait un univers encore plus inaccessible. Nul voyage ne permet de s’y rendre. Le tableau de Poussin, l’un des plus célèbres et des plus commentés de l’histoire de la peinture, a été récemment détourné pour une réclame de parfum. Il le fut plus anciennement, au début du XXe siècle, dans un distique à valeur comique de Paul-Jean Toulet. Aucun détournement ne saurait s’accomplir sans s’appuyer sur les propriétés de l’œuvre détournée. Détourner, c’est s’emparer d’un ou de plusieurs paramètres de l’œuvre afin de les renforcer, les dévier, les annuler ou les inverser. En exploitant les propriétés et les caractéristiques de l’œuvre, le détournement les signale par la même occasion. Sans être eux-mêmes des interprétations, le détournement, la parodie, le pastiche, qui sont autant de formes de référence à l’œuvre, s’appuient sur une interprétation préalable et plus ou moins explicite de celle-ci, de sorte que l’étude de leur efficacité et de leur mode opératoire, par comparaison avec l’œuvre première, possède une valeur interprétative.


Auteurs et œuvres cités

Pape François, Louée soit la lecture : lettre sur le rôle de la littérature dans la formation. Orhan Pamuk, Neige. Han Kang, La Végétarienne. La Vie de Lazarillo de Tormes. Miguel de Cervantès, Don Quichotte. Fabliaux du Moyen Âge. François Villon. Sophocle, Œdipe roi et Antigone. Hérodote. Thucydide. Xénophon. Platon, Phèdre, Le Banquet et Phédon. Gustave Doré, illustrations de Don Quichotte. Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles. J. K. Rowling, Harry Potter. Marc Pautrel, L’Île au trésor. Nicolas Poussin, Les Bergers d’Arcadie (seconde version). Théocrite, Idylles. Virgile, Bucoliques. Longus, Daphnis et Chloé. Jacopo Sannazaro, L’Arcadie. Sir Philip Sidney, L’Arcadie. Honoré d’Urfé, L’Astrée. Françoise Lavocat, Arcadies malheureuses : aux origines du roman moderne, Honoré Champion, 1998. H. G. Wells, La Machine à explorer le temps. Ben Okri, En Arcadie. Stéphane Mallarmé, « Le Tombeau d’Edgar Poe ». Stanley Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace. Réclame pour le parfum Lempicka Homme, 2025. Paul-Jean Toulet, Vers inédits. Paul Scarron, Virgile travesti.