Le problème des Yašts (II)
L’aspect religieux : la doctrine des millénaires
Le Yašt 19 raconte l’histoire cosmique du monde et est, à ce point de vue, un témoin irréfutable de la doctrine des millénaires.
Ilya Gershevitch, « Approaches to Zoroaster’s Gathas », Iran 33, 1995, 1-29.
Prods Oktor Skjaervø, « Iranian elements in manicheism a comparative approach*, Irano-manichaica I », Mélanges en l’honneur de Philippe Gignoux, Au carrefour des religions, 1996, 263-284.
Nous n’avons pas de chronométrage, mais on a des éléments de mesure du temps dans certains passages avestiques :
1. La traduction pehlevie du V2.19 avec la question « combien de temps a duré l’état mēnōg du monde ? » sans réponse malheureusement ainsi qu’une indication sur le millénaire durant lequel Yima est censé avoir exercé son pouvoir de suspendre la mort.
2. Le Yt 9.10 nous parle également du millénaire de Yima.
Antonio Panaino, « Philologia Avestica VI : The Widēwdād Fragment about the Millenium of Yima », Orientalia Romana 7, 2000, 19-31.
Quant à la référence à l’assaut, on peut la voir au Yt 13.57 « Les Frauuaṣ̌is ont montré des chemins conformes à l’Agencement aux étoiles, à la lune, au soleil et aux lumières infinies, qui auparavant demeuraient depuis longtemps au même endroit sans se mettre en mouvement, avant la nocivité des démons, avant l’attaque des démons » avec daēuuanąm parō draomōhu « avant l’attaque des démons » où draoman- serait un synonyme de *aibi-gati- > mp. ēbgat.
La doctrine des millénaires est le trait distinctif du zoroastrisme qui permet de dire que le zoroastrisme existait déjà à l’époque de l’Avesta récent.
Le moyen-avestique
En 2003, Xavier Tremblay a fait une communication très remarquée et intitulée « le pseudo-gāthique » :
Xavier Tremblay , « Le pseudo-gâthique », in : Proceedings of the 5th Conference of the Societas Iranologica Europaea, held in Ravenna, 6-11 october 2003. Vol. I Ancient and Middle Iranian Studies. Ed. par A. Panaino et A. Piras, Milan, 2006, 233-281.
Le pseudo-gāthique
Selon Hoffmann, il s’agit de textes en avestique récent qui ont les allures orthographiques du vieil-avestique : allongement systématique des voyelles finales et maintien des occlusives sonores intervocaliques. Tremblay va remplacer la notion de pseudo-gāthique par moyen-avestique et montrer qu’il ne s’agit pas de textes récents, mais de textes moyen-avestiques, soit un stade intermédiaire entre le vieil-avestique et l’avestique récent.
Le corpus
Il est composé du secteur Y11.16-Y15 avec l’intercalation du Vr3-6, du Y27.15 (Yeŋ́he hātąm), du Y35.1 et du Y56 [Y27.6] avec le Y58.
Les traits moyen-avestiques
1. la désinence -biš de l’instrumental athématique est conservée ;
2. l’opposition systématique du présent et de l’aoriste est encore pratiquée.
Caractéristiques littéraires
1. Genre exégétique
Ce sont des textes d’exégèse des textes plus anciens.
2. Exégèse qui procède par citation
L’exégèse procède par citations textuelles, qui présentent deux caractéristiques :
a. citation vieil-avestique de textes perdus
b. citation remplacée par une recomposition : au lieu de citer verbatim le texte, on le recompose, par exemple le Y51.22 est recomposé dans le Y27.15 puis simplifié au Vr16.3, de même pour le Y33.14 dans le Y11.18 puis au Y13.4.
3. Dosage équitable des Gāθās et du Yasna Haptaŋhāiti
Les textes moyen-avestiques veillent à doser équitablement les allusions au Yasna Haptaŋhāiti et aux Gāθās.
L’existence de ces textes est peut-être un argument décisif pour nous inciter à abandonner la datation des Gāθās au VIe siècle av. J.-C. En effet, la pratique des textes envisagés montre que l’Avesta a une longue histoire littéraire.
