Résumé
Et si on construisait le siège de l’ONU au centre de la terre, à équidistance de tous les États, pour en faire le lieu même de l’universel ? Cette proposition, apparemment absurde, ne provient pas d’un roman de science-fiction, mais d’un petit texte polémique de Voltaire, publié en 1761, le Rescrit de l’empereur de la Chine. Contre les projets de paix perpétuelle, réduits aux puissances de l’Europe, Voltaire et bien d’autres auteurs proposèrent, tout au long du siècle, un récit historique de l’universalisation, une histoire mondiale, ouverte aux grands empires asiatiques comme la Chine, articulée au commerce comme force motrice de la civilisation et de la mondialisation. Mais cette histoire elle-même n’est pas sans ambiguïté. Malgré son universalisme affiché, elle fait de l’Europe un modèle et ne pense la différence que sous la forme du retard. Elle projette ainsi de nouvelles frontières et de nouvelles hiérarchies, entre l’Europe civilisée et le reste du monde, et au sein même de l’Europe, au point d’aboutir à un éloge de la domination française sur l’Europe. Il faut alors réfléchir à la puissance et aux limites de ce langage historique de la civilisation, qui triomphe à la fin du siècle, à l’heure des révolutions.