Résumé
En 1789, les révolutionnaires français, après avoir déclaré que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », n'ont pas aboli l'esclavage. La Convention ne le fit qu'en 1794, sous la pression des révoltes d'esclaves et notamment de la Révolution de Saint-Domingue qui aboutit, en 1804, à l'indépendance d'Haïti. Ce décalage est aujourd'hui une des questions les plus débattues par l'historiographie de la Révolution. Faut-il en déduire que l'universalisme proclamé des droits de l'homme et du citoyen n'était qu'un leurre, protégeant les privilèges des colons blancs, ou doit-on à l'inverse considérer qu'ils ont fourni aux esclaves et aux libres de couleur, dans les colonies, les arguments et les ressources pour obtenir leur émancipation ? Dans quelle mesure la révolution haïtienne incarne-t-elle un universalisme supérieur, ou différent, de celui de 1789 ? On revient d'abord sur les débats de l'hiver 1789, sur le grand discours de Mirabeau contre la traite, qu'il n'a pas pu prononcer à l'assemblée, et sur la contre-offensive des milieux coloniaux et marchands hostiles à l'abolition. Puis l'attention se porte sur la Révolution haïtienne, en essayant de comprendre dans quelle mesure les esclaves insurgés se référaient aux droits de l'homme. Enfin, on conclut par quelques éléments de réflexion sur l'universalisme dont la Révolution haïtienne était porteuse, à travers ses idéaux anticoloniaux et abolitionnistes, mais aussi sur les conflits qui la traversaient.