Résumé
La modernité n’a pas le monopole de l’universalisme. Le terme lui-même date du XIXe siècle. En revanche la revendication d’universalité (l’idée que certaines idées, ou certaines pratiques, ont une portée universelle, que leur validité, leur autorité, leur légitimité ne s’inscrivent pas seulement dans un cadre local ou un contexte particulier, mais s’étendent, de droit ou de fait, au monde entier) a une histoire beaucoup plus longue, qui remonte à l’apparition des religions monothéistes et aux principales formations impériales du monde antique. Dans cette séance, nous cherchons donc à tirer quelques fils des langages de l’universel qui ont dominé l’Europe occidentale sur la très longue durée, et dont les Lumières ont hérité tout en les combattant.
Après avoir rappelé les origines de l’universalisme chrétien et les débats suscités par la Constitution antonienne de 212, accordant la citoyenneté à tous les hommes libres de l’Empire romain, on essaye de proposer un modèle de l’universalisme médiéval. Celui-ci repose sur le christianisme comme religion du salut, sur l’Église comme institution socio-politique d’encadrement des fidèles revêtue du dominium universel, sur l’héritage philosophique du rationalisme grec et enfin sur la persistance d’un idéal impérial hérité de Rome, en rivalité avec d’autres modèles impériaux, Byzance en premier lieu.
Dans un second temps, il faut comprendre comment ces différents éléments ont été progressivement remis en cause dans les derniers siècles du Moyen Âge avant d’être considérés comme obsolètes au tournant XVIIe siècle et XVIIIe siècle, ou du moins de voir leur prétention universaliste profondément contestée. Deux éléments sont privilégiés : la montée en puissance des discours de la souveraineté et la critique de la monarchie absolue ; l’essor des langues vernaculaires et la crise du latin, comme fondement de l’unité culturelle de l’Europe chrétienne.