Résumé
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Peut-on imaginer formulation plus universelle des valeurs de la modernité ? La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée par l'assemblée nationale le 26 août 1789, est généralement considérée comme l’apothéose de l’universalisme des Lumières.
Nous verrons toutefois que cette évidence est peut-être une illusion d’optique, qui néglige les enjeux proprement politiques des premiers mois de la Révolution.
Pour comprendre les enjeux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il est utile de remonter en amont, dans les débats du XVIIIe siècle sur les droits de l’homme, non seulement parmi les théoriciens du droit naturel, mais aussi, comme l’a proposé l’historienne Lynn Hunt, au cœur de la culture sentimentale des Lumières. Puis, en étudiant les débats de l’été 1789, on découvre que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est prise, d’emblée, dans une contradiction entre l’affirmation de droits naturels, et donc universels, et l’édification d’une souveraineté nationale. Les députés ont « halluciné l’humanité dans la nation », selon la formule du philosophe Jean-François Lyotard. Ce qui n’est pas sans conséquence durable sur les tensions inhérentes aux droits de l’homme dans un monde d’États-nations, comme l’a diagnostiqué Hannah Arendt après la Seconde Guerre mondiale.