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Résumé
Tandis que son assimilation de la répudiation au divorce suscitait le dépit de ses disciples, le Christ usa pour se faire comprendre, ou plutôt pour se faire obéir (« comprenne qui pourra ») une parabole sur les eunuques (Matthieu, 1, 10-12). Ceux qui sont « nés ainsi du sein de leur mère » posent le problème de la compréhension de l’intersexuation dans les sociétés anciennes et ceux « qui ont été rendus tels par les hommes » celui du châtiment de castration. Mais il y a aussi ceux qui, depuis Origène, « se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux ». Est-ce le cas des clercs ayant renoncé à la chair ? La castration symbolique est un « combat de chasteté » (Michel Foucault) qui met en jeu les catégories de la masculinité et de la virilité. Les eunuques sont donc porteurs d’une énigme théologique et d’un secret politique que les Européens préféreront écarter, au loin, dans la notion de despotisme oriental : c’est ainsi que l’on suivra Orcan, l’eunuque noir, jusqu’à ce lieu tragique par excellence qu’est le sérail de Bajazet.
Sommaire
- « Viens, suis-moi, la sultane en ce lieu se doit rendre » : lever de rideau sur Bajazet (1672)
- Le sérail, lieu du tragique racinien, à la suite d’Orcan, l’eunuque noir
- Faux départ et incompréhension des disciples, « Comprenne qui pourra » (Matthieu, 19, 10-12)
- Peut-on répudier son épouse ? Morale du lignage et morale des prêtres (Georges Duby, Le Chevalier, la Femme et le Prêtre, Paris, 1981)
- Les eunuques dont parlent Jésus sont-ils vraiment des eunuques ? (Constantin Daniel, « Esséniens et eunuques », Revue de Qumrân, 1968)
- « Les eunuques, nés ainsi au sein de leur mère » : penser l’intersexuation au Moyen Âge
- L’épreuve par la génétique, ou le chromosome X et la guerre (Ulla Moilanen, Neil-Johanna Kirkinen Saari et al., « A Woman with a Sword? – Weapon Grave at Suontaka Vesitorninmäki, Finland », European Journal of Archaeology, 2022)
- « Ceux qui sont hommes et femmes » : monstruosité, diversité, inégalité (Les Monstres des hommes. Un inventaire critique de l’humanité au XIIIe siècle, éd. Pierre-Olivier Ditmar et Maud Pérez-Simon, Paris, 2024)
- « Avons-nous vraiment besoin d’un vrai sexe ? » (Michel Foucault, préface à Herculine Barbin dite Alexina B, Paris, 1978)
- « Il y a eu des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes » : engendrement des dieux, châtiment des hommes
- Castration et circoncision : nekeva juive et incompréhensions chrétiennes
- Orchidectomie et émasculation dans la pratique médicale médiévale (Laurence Moulinier, « La castration dans l’Occident médiéval », dans Autour de la castration : de l’adultère à la chirurgie régulatrice, Poitiers, 2009)
- Castration et vengeance privée : Abélard et les malfrats
- « Tu dois être appelé, non Pierre, mais Pierre l’incomplet » (Roscelin de Compiègne) : castration et changement de nom chez les animaux humains et non-humains
- « Et il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux » : l’erreur de jeunesse d’Origène, Père de l’Église
- Infertilité, impuissance et débauche : l’impossible martyr de la libido
- « Rien n’est meilleur que d’être à soi-même son héritier et son épouse » (« Vie d’Antonin Héliogabale », Histoire auguste)
- La castration d’Origène comme marque des contradictions de l’économie chrétienne de l’engendrement
- Du testiculum au testis : la chair s’est fait verbe et la chasteté devient féconde (Odon Valet, Le Honteux et le Sacré. Grammaire de l’érotisme divin, Paris, 1998)
- Le Christ autobasileia et la théologie du suicide (Pierre-Emmanuel Dauzat, Le Suicide du Christ. Une théologie, Paris, 1998)
- Le « sexe de vent » du Christ mort (Jérôme Baschet et Jean-Claude Schmitt, « La “sexualité” du Christ », Annales ESC, 1991)
- L’un et l’autre sexe de Jésus (Carolyn Bynum, Jesus as mother. Studies in the Spirituality of the High Middle Ages, Berkeley, 1984)
- L’ostentatio genitalis : humanation et tentations du Christ (Léo Steinberg, La Sexualité du Christ dans l’art de la Renaissance et son refoulement moderne, Paris, 1987)
- Que faire de son sexe ? Le « combat de chasteté » des maris et des prêtres
- « C’est la forme involontaire d’un mouvement qui fait du sexe le sujet d’une insurrection et l’objet du regard » (Michel Foucault, Les Aveux de la chair, Paris, 2018)
- Histoires de consentement (Manon Garcia, La Conversation des sexes. Philosophie du consentement, Paris, 2021)
- Usage des corps et coupure grégorienne (Peter Brown, Le Renoncement à la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Paris, 1995)
- Castration, infirmité et handicap au miroir des suppliques pontificatles (Ninon Dubourg, « Émasculations cléricales. Itinéraires particuliers pour aborder l’identité du clerc émasculé (XIIe-XVe siècle) », Encyclo. Revue de l'école doctorale Sciences des Sociétés ED 624, 2014)
- Lapsus carnis entre discours politiques et pratique sociale (Julien Théry « L’incontinence de la chair. Révolution pastorale et contrôle pontifical de la hiérarchie cléricale au second Moyen Âge (12e-15e siècles) », Cahiers d’histoire, 2020)
- Le prêtre peut-il être un bon père de famille ? (Michelle Armstrong-Partida, « Concubinage clérical, familles cléricales et masculinité sacerdotale dans la Catalogne du XIVe siècle », Cahiers de Fanjeaux, 2019)
- Mâle sacrifié maîtrisant le sexe du pouvoir, le prêtre est le plus viril des hommes (Robert N. Swanson, « Angel incarnate: clergy and masculinity from gregorian reform to reformation », dans Dawn Marie Hadley dir., Masculinity in medieval Europe, Londres, 1999)
- « À l’insu de l’abbé, il faut le souhaiter » (Roland Barthes, « Iconographie de l’abbé Pierre », dans Mythologies, Paris, 1957)
- Resacerdotalisation et surcharge viriliste dans l’Église contemporaine (Josselin Tricou, Des soutanes et des hommes : enquête sur la masculinité des prêtres catholiques, Paris, 2021)
- Au Moyen Âge, la longue robe des clercs et des juges (Robert Jacob, La Grâce des juges. L’institution judiciaire et le sacré en Occident, Paris, 2014)
- Généalogie du monstre ou monstre généalogique (Vincent Azoulay, « Xénophon, le roi et les eunuques », Revue française d’histoire des idées politiques, 2000)
- À Byzance, les eunuques au palais, ou le troisième sexe (Georges Sidéris, « Une société de ville capitale : les eunuques dans la Constantinople byzantine (IVe-XIIe siècle) », dans Les villes capitales au Moyen Âge. Actes du 36e Congrès de la SHMESP, Paris, 2005
- Esclavage, liberté et expertise : le « politique neutralisé » (Paulin Ismard, La Démocratie contre les experts. Les esclaves publics et Grèce ancienne, Paris, 2015)
- Le harem, « sous le signe d’un absolu monarchique et viril » (Jocelyne Dakhlia, Harems et Sultans. Genre et despotisme au Maroc et ailleurs, XIVe-XXe siècle, Toulouse, 2024)
- « La vérité est qu’il reste hommes » (Al-Mas’udi) : fantasmes, faux mystères et mobilité sociale
- Eunuques noirs et eunuques blancs après 1550
- Le « savoir jouir » du tyran (Alain Grosrichard, Structure du sérail. La fiction du despotisme asiatique dans l’Occident classique, Paris, 1979)
- Du despotisme politique au despotisme familial (Nadia Tazi, Le Genre intraitable. Politiques de la virilité dans le monde musulman, 2019)
- Orcan, l’esclave noir de Bajazet, et la violence faite aux femmes
- « À mille ans ou à mille lieux de nous, ce qui n’est encore dans aucune histoire imprimée » (Jean Racine, préface à Bajazet).