Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La sorcière est aujourd’hui un mythe contemporain, bien éloigné de l’expérience historique des hommes et des femmes pourchassés pour sorcellerie démoniaque du XVe au XVIIe siècle. Les historiennes et les historiens doivent-ils se contenter de le récuser, au nom de leur exigence, plus que jamais légitime, de lutte contre l’instrumentalisation du passé ? On suggère ici de prendre au sérieux l’histoire contemporaine de la construction mythologique de la figure militante de la sorcière dans le contexte transnational des luttes féministes du XXe siècle, tout en la mettant en regard avec nos connaissances actuelles sur la démonologie savante et l’institution sociale de la persécution. C’est dans cet écart que l’on discerne non pas des femmes puissantes mais une mise en puissance de l’histoire des femmes et, partant, de l’histoire des pouvoirs. Loin de chercher à concilier le mythe et l’histoire comme dans la « mythistoire » que proposait Michelet dans La Sorcière en 1862, on suit au contraire ce que Paule Petitier a appelé « la malice du devenir ». Elle fait de la quête des sorcières une défense de l’histoire en puissance, sans qu’il soit besoin de mettre la vérité historique entre guillemets.

Sommaire

  • Tremate, tremate le streghe son tornate, Rome, campo de’ Fiori, 8 mars 1972
  • Tornare nelle piazze féminisme, emplacements et puissance d’agir
  • Qui sont ces sorcières qui reviennent ? (Michelle Zancarini-Fournel, Sorcières et sorciers. Histoire et mythes. Lettre aux jeunes féministes, Paris, 2024)
  • Histoires exemplaires et approximations tactiques : « une vérité à sa ressemblance et à sa seule convenance » ? (Lucien Febvre, « L’histoire dans le monde en ruines », Revue de synthèse historique, 1919)
  • Du monde magique d’Ernesto de Martino (1948) au WITCH des féministes américaines de 1968 : une histoire transatlantique de la mythologie contemporaine de la chasse aux sorcières
  • Survivances de la sorcellerie rurale (Jeanne Favret-Saada, Les Mots, la mort, les sorts, Paris, 1977)
  • Médicalisation et masculinisation des savoirs de l’accouchement ? (Barbara Ehrenreich et Deirde English, Sorcières, Sages-femmes et Infirmières [1973], trad. franç., 2016)
  • Des sorcières de Salem (1692-1693) au maccarthysme : la chasse aux sorcières entre politisation et culture populaire
  • Faut-il toujours ramener un mythe contemporain à ses référents historiques ? (Pascal Ory, « La fabrique moderne des mythes : l’exemple des vampires », dans Dominique Kalifa dir., Les historiens croient-ils aux mythes ?, Paris, 2016)
  • De Vlad III Tepes à Dracula : fictions et frictions d’empire au XVe siècle (Matei Cazacu, L’Histoire du prince Dracula en Europe centrale et orientale (XVe siècle), Genève, 1996)
  • « L’indifférence des historiens à l’égard de ce génocide a frôlé la complicité » : l’histoire savante mise en accusation (Silvia Federici, Caliban et la Sorcière. Femme, corps et accumulation primitive [2004], trad. franç., Paris, 2014)
  • Dans le sillage de #MeToo, entre combat politique et développement personnel : Mona Cholet, Sorcières. La puissance invaincue des femmes, Paris, 2018
  • En France, une veine plus littéraire et psychanalytique : la revue Sorcières de Xavier Gauthier (1976)
  • Femmes puissantes ou mise en puissance de l’histoire des femmes ?
  • Plus victimes que puissantes : l’exemple de Michée Chauderon, (Michel Porret, L’Ombre du diable : Michée Chauderon, dernière sorcière exécutée à Genève (1652), Genève, 2009)
  • Retour à Marguerite Porète, d’abord vaincue, puis invaincue (Sean L. Field, Robert E. Lerner, Sylvain Piron dir., Marguerite Porete et le « Miroir des simples âmes » : Perspectives historiques, philosophiques et littéraires, Paris, 2013)
  • Quand le pape croit à la sorcellerie démoniaque : Enrico del Carreto et l’expertise de 1320 (Alain Boureau, Le Pape et les sorciers. Une consultation de Jean XXII sur la magie en 1320 (Manuscrit B.A.V. Borghese 348), Rome, 2004)
  • Possession et ravissement : l’anthropologie scolastique au travail du principe féminin
  • De 1320 à 1420, pourquoi ce « retard à l’allumage » ? (Jean-Patrice Boudet, « La genèse médiévale de la chasse aux sorcières : jalons en vue d’une relecture », dans Le Mal et le diable. Leurs figures à la fin du Moyen Âge, Paris, 1996)
  • En pays de Vaud et en Dauphiné de 1430 à 1530 : sorciers et sorcières (Ludovic Viallet, La Grande Chasse aux sorcières. Histoire d’une répression, XVe-XVIIIe siècles, Paris, 2022)
  • La Vauderie d’Arras, la majesté et l’État princier en puissance (Franck Mercier, La Vauderie d’Arras. Une chasse aux sorcières à l’Automne du Moyen Âge, Rennes, 2006)
  • Le Malleus Maleficarum et le tournant de la démonologie savante (Martine Ostorero, Le Diable au sabbat. Littérature démonologique et sorcellerie (1440-1460), Florence, 2011)
  • Sorcières et sorcellerie, morphologie et histoire (Carlo Ginzburg, Le Sabbat des sorcières [1989], trad. franç. Paris, 1992)
  • « D’où date la Sorcière ? Je dis sans hésiter : “Des temps de désespoir” » (Jules Michelet, La Sorcière, Paris, 1862)
  • Métamorphoses et revenances, « la vie d’une même femme pendant trois cents ans »
  • « Nature qui la fait sorcière » : le principe féminin chez Michelet
  • « Ce qui le retient dans la sorcellerie, c’est une fonction personnalisée » (Roland Barthes, « Préface » à La Sorcière, 1959)
  • De Chateaubriand à Michelet en passant par George Sand : l’écriture hybride « d’un historien mentalement queer » (Paule Petitier, La Pensée sorcière. Michelet, 1862, Paris, 2024)
  • La « malice du devenir » : lire Michelet aujourd’hui, entre renversements internes et inversions symboliques
  • Sorcelleries d’aujourd’hui : une guerre aux femmes ? (Christelle Tarraud dir., Féminicides. Une histoire mondiale, Paris, 2022)
  • Faire l’histoire des expériences passées et des figures imaginaires, sans mettre de guillemets à la vérité (Carlo Ginzburg, Le Fil et les traces. Vrai faux fictif, Lagrasse, 2010).