Dioscore a activement participé à la constitution de sa propre bibliothèque. Outre les ouvrages copiés par d’autres, on y trouve des textes copiés par lui, notamment une petite anthologie de documents (une requête du célèbre philosophe et grammairien Horapollon et trois lettres) rassemblés pour servir de modèles. Cela nous amène à nous interroger sur la notion même de bibliothèque, au cœur de ces cours, en minimisant la différence entre de véritables livres produits par des copistes professionnels et des copies privées – différence que le livre imprimé a creusée à l’époque moderne mais que l’ère du numérique a tendance à réduire à nouveau.
Le dénominateur commun de tous les livres de la bibliothèque de Dioscore, c’est leur dimension pratique. Cela va évidemment de soi pour les tables métrologiques ou verbales, le glossaire, le papyrus rhétorique. Mais qu’en est-il des ouvrages de littérature comme le codex d’Homère ou de Ménandre ? Il est probable qu’ils aient servi de supports pour un enseignement dispensé par Dioscore. Mais pas seulement : étant donné la forte « littérarisation » de la prose dont témoignent les documents rédigés par Dioscore et qui correspond à une tendance lourde de l’époque byzantine, il n’est pas illégitime de penser qu’ils faisaient aussi et surtout office de manuels destinés à inculquer les règles de la rhétorique et du bien-écrire. Les échos que l’on retrouve de ces auteurs dans les poèmes de Dioscore ou dans les documents qu’il composa comme notaire confirment cette analyse et expliquent que Dioscore ait tenu à posséder ces ouvrages.
Un mystère reste à éclaircir : l’absence d’un exemplaire de la Bible ou d’autres livres chrétiens dans la bibliothèque d’un homme dont on ne peut douter de la foi (curateur du monastère fondé par son père, il s’y retira probablement à la fin de sa vie). Elle doit s’expliquer par la sélection opérée après la mort de Dioscore. La jarre d’Aphrodité n’a contenu que les textes que les héritiers de Dioscore ne souhaitaient pas conserver : on y a relégué la littérature profane grecque, certainement jugée obsolète par sa femme ou sa descendance, tandis que les livres chrétiens, toujours utiles, ont été conservés.