On est parti du postulat foucaldien que la fiction politique faisait l’expérience d’une politique qui n’existait pas encore à partir d’une vérité historique. Mais qu’est-ce, dans ce cas, qui est préfiguré ? Contre la croyance littéraire à la prédestination des œuvres, on peut supposer que tout auteur invente ses devanciers et établit des généalogies à rebours. Dans l’ordre politique, d’Alexandre le Grand à Napoléon, on peut agir pour que se réalise ce qui était écrit d’avance : le recours à la préfiguration est alors censé, avance Blumenberg, « garantir à l’action la certitude de la décision ». Cette hypothèse est alors testée à partir de quelques figures souveraines du XIIIe siècle (de Saint Louis à Baybars), en s’interrogeant sur la capacité des puissants à devenir, de leur vivant même, des personnages de roman. Une telle réflexion débouche sur une analyse du dérèglement paroxystique du pouvoir à partir du cas de Néron. Car c’est aussi au miroir de cet imaginaire néronien de la cruauté grotesque que la pensée politique médiévale a pensé la tyrannie.
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Cours
Qu'est-ce que préfigurer ? Des généalogies à rebours
Patrick Boucheron
11:00 à 12:00