Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Carrel passe les mois d’octobre 1834 à avril 1835 à Sainte-Pélagie : c’est alors qu’il connaît le moment le plus glorieux de sa carrière. La Chambre des pairs, constituée en Haute Cour, a entrepris de juger 184 responsables des événements d’avril 1834. Dans le National du 10 décembre, Carrel fait paraître sous anonymat un article virulent qui remet en cause la légitimité de la Cour des pairs, vestige de la Restauration, pour instruire un tel procès. Le lendemain, le comte Philippe de Ségur invoque pour la première fois l’article 15 de la loi du 25 mars 1822, qui permet aux Chambres de juger directement ceux qui les offensent. On décide de traduire Rouen, le gérant du National. Le 12 décembre, Rouen comparaît devant la Chambre mais demande à être assisté de Carrel. Le 16, Carrel se présente. Dupin aîné, président de la Chambre des députés, est présent, ainsi que le Lord Chancelier Brougham, ancien président de la Chambre des pairs britannique. L’audition de Carrel a lieu trois jours après le discours de réception à l’Académie française de Thiers, son ancien ami, cofondateur du National, entre-temps devenu ministre de l’Intérieur et responsable de la répression des événements d’avril, notamment lors de l’épisode de la rue Transnonain.

Carrel raille la Chambre, cite d’anciens articles que Thiers lui-même avait écrits contre elle. Il ne manque pas de se référer à Lord Brougham, qui a montré dans son propre pays l’exemple d’un comportement libéral envers un journaliste qui l’avait offensé. Devant le baron Pasquier il fait allusion au maréchal Ney, condamné, selon lui, par une Chambre indigne, ce en quoi l’approuve le général Exelmans lui-même. Rouen est déclaré coupable et condamné à deux ans de prison et dix mille francs d’amende, presque la peine maximale. Dès le lendemain, le National lance une souscription nationale sous l’intitulé « Protestation contre l’assassinat du maréchal Ney ». On dit que le duc d’Orléans lui-même y a contribué en secret.

Le 28 juillet 1835, Fieschi lance son attentat à la « machine infernale » contre Louis-Philippe, et fait 19 morts. La répression est virulente, et Carrel est arrêté dès le lendemain matin, accusé d’avoir excité les conspirateurs à l’action. Les lois de septembre 1835 sont en préparation : il s’agit d’en finir avec la liberté de la presse. On établit le cautionnement des journaux, on interdit la souscription pour payer les amendes, les caricatures sont soumises à censure préalable. C’est cette loi qui prépare le remplacement des journaux d’opinion par une nouvelle presse, dont La Presse est représentative. À Sainte-Pélagie, Carrel bénéficie d’un traitement de faveur : il continue de publier, a reçu l’autorisation de sortir quand il le veut. Écrivant à Chateaubriand, il se dit le « jeun[e] solda[t] d’une cause dont [il est] le vétéran le plus glorieux » : c’est la liberté de la presse. Chateaubriand lui répond : « la République est la plus belle de vos chimères ».

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