Armand Carrel est mêlé au duel qui oppose le député François-Charles Dulong au général Bugeaud, le 29 janvier 1834. Dulong a offensé ce dernier lors d’un débat sur l’autorité militaire. Les deux hommes s’affrontent et Dulong meurt. Bugeaud accuse Carrel, ami de Dulong, d’avoir causé sa mort en le dissuadant de publier ses excuses. Carrel, lui, se persuade que c’est Louis-Philippe qui est commanditaire d’un meurtre politique. Le témoin de Bugeaud, en effet, n’est autre que le général de Rumigny, aide de camp de Louis-Philippe, que Carrel accuse d’avoir empêché la réconciliation. Rumigny tient le cabinet noir, la police parallèle de Louis-Philippe ; c’est lui qui recrute les casseurs lors des manifestations républicaines, pour justifier un plus dur écrasement de la contestation.
Après cette histoire, Dupin aîné essaye une première fois d’interdire le duel ; Carrel s’en fait contre lui l’apologiste. Il veut maintenir le duel comme seule protection contre la calomnie, parce que grâce à lui la liberté d’expression se trouve garantie. En 1837, juste après la mort de Carrel par voie de duel, Dupin aîné obtient de la Cour de cassation que cette pratique, à défaut d’être interdite, soit remise dans le droit commun, les duellistes pouvant être poursuivis pour homicide.
Est-ce l’habitude militaire, que Carrel conserve dans son métier de journaliste, qui le condamne à reprendre si souvent l’épée ? Il se bat trois fois en duel en tant que directeur du National : la première, au tout début de l’existence du journal, contre le directeur du Drapeau blanc, puis la deuxième fois le 2 février 1833. La rumeur de la grossesse de la duchesse de Berry vient d’arriver à Paris, et provoque une épidémie de duels entre républicains et carlistes. De nombreux journaux républicains sont pris à partie par le camp carliste : Carrel y voit une tentative de censure, et répond en proposant le duel. Mais le préfet Gisquet a entrepris d’arrêter tous les fauteurs de trouble potentiels : Carrel voit là encore et surtout un risque de censure de la presse, au-delà de la différence des opinions.
Carrel semble prêt à faire amende honorable et à quitter l’arme pour la plume. Toutefois, le 22 juillet 1836, il affronte Émile de Girardin dans le duel qui le condamne. C’est le conflit de la vieille presse politique et de la nouvelle presse, juste après les lois de septembre 1835 qui rétablissent un cautionnement élevé et la censure préalable pour les caricatures. Girardin, juste après le lancement de son journal, a publié un article hostile à la presse politique ; celle-là lui répond à travers un article du Bon Sens, que Girardin en retour décide d’attaquer pour diffamation devant le tribunal correctionnel. Carrel s’irrite du procédé : Girardin a fait appel à la justice corrompue, incompétente selon Carrel, plutôt que de choisir la voie de l’honneur. Girardin réplique une dernière fois en menaçant de révéler dans ses colonnes la vie intime du directeur du National, lequel vit avec la femme de son ancien capitaine.
Carrel meurt des suites d’un coup de pistolet le 24 juillet au matin. Chateaubriand lui rend un hommage émouvant dans ses Mémoires, évoquant à son propos « l’ombre du petit-fils du grand Condé ». C’est selon une figure analogue que Chateaubriand avait comparé la mort de Courier à celle de Rancé. On retrouve enfin Carrel dans le Congrès de Vérone, en 1838 où Chateaubriand donne la première ébauche de ce qui deviendra le célèbre appel aux morts des Mémoires d’outre-tombe.