Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Le multilinguisme est un sujet qui suscite depuis quelques décennies une attention de plus en plus aiguë à la fois dans la société, chez les linguistes et chez les historiens. L’écho qu’il trouve dans nos sociétés plonge ses racines dans diverses causes macrosociales : l’émigration de masse n’a cessé de nous rendre plus attentifs aux problèmes de la coexistence culturelle et linguistique ; par ailleurs, l’expansion de la scolarisation a conduit à s’intéresser aux phénomènes d’acquisition de langues non maternelles ainsi qu’aux problèmes de l’apprentissage des langues nationales chez les enfants d’immigrés ; enfin, le développement des technologies de l’information et de la communication crée les conditions d’un multiculturalisme virtuel et pose le problème de l’adaptation de certaines langues et écritures à ces nouvelles technologies dans un contexte de globalisation.

Ces nouveaux défis ont généré une intensification de la réflexion linguistique avec le développement de l’étude des langues en contact et du multilinguisme. Ce nouveau champ, qui s’est ouvert depuis les années 1950, a connu une forte accélération depuis la fin du XXe siècle. Une des conséquences a été, entre autres, une revalorisation du phénomène du multilinguisme, souvent considéré auparavant comme ayant des conséquences néfastes sur le développement de l’individu qui y était confronté. Cette nouvelle perspective a fortement enrichi la problématique en concourant à la création d’un champ multidisciplinaire combinant linguistique, sociolinguistique et psycholinguistique.

Tous ces développements récents ne pouvaient manquer d’avoir un impact sur les questionnements des historiens, notamment dans le domaine de l’Antiquité. Après que la recherche eut massivement scruté le phénomène de l’alphabétisation (literacy), celui, partiellement corollaire, du multilinguisme a pris de plus en plus d’ampleur. C’est peut-être dans le domaine de la papyrologie qu’il a trouvé son terrain d’étude le plus fertile. La société de l’Égypte de l’époque ptolémaïque à l’époque arabe fut profondément multilingue. On comprend alors que les spécialistes de l’Égypte aient été, surtout depuis quelques décennies, de plus en plus tentés de se former à d’autres langues que celle de leur discipline afin d’appréhender de première main les sources indispensables à une vision plus complète. Pour quiconque travaille sur l’Égypte, avant d’être un objet d’étude, le multilinguisme doit être un état d’esprit, une méthode.

Malgré le grand nombre d’études sur la question du multilinguisme en Égypte, le travail d’analyse des sources et de réflexion est loin d’être achevé ; il n’a fait l’objet d’aucun traitement systématique prenant le problème dans sa totalité.

Il était d’autant plus nécessaire d’inaugurer ainsi cette nouvelle chaire sur la culture écrite de l’Antiquité tardive que le multilinguisme conditionne la documentation, générant des phénomènes d’interférence et créant des processus de spécialisation de ces langues. Dans la mesure où ceux-ci informent la rédaction des textes, l’étude du multilinguisme doit être un prérequis à l’exploitation historique de ceux-ci. Par ailleurs, le multilinguisme acquiert en Égypte une dimension nouvelle dans l’Antiquité tardive et au début de l’époque arabe (IVe-VIIIe s.), avec l’apparition du copte, du pehlevi et de l’arabe et la réactivation du latin.