Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Le cours de cette année poursuivra la réflexion sur les langages de l’universel et l’héritage des Lumières. Cette séance introductive rappelle d’abord que les débats actuels sur « l’universalisme » mêlent deux registres : la place des valeurs de la modernité occidentale dans un monde globalisé et pluriel, d’une part ; la place des groupes minoritaires et des identités multiples dans les sociétés libérales modernes, d’autre part. Dans les deux cas, la référence aux Lumières est devenue omniprésente pour justifier des positions « universalistes », alors même que les philosophes du XVIIIe siècle ont bataillé contre l’universalisme théologique et ecclésial de l’Église chrétienne. Ils ont déployé différents langages de l’universel, mais ceux-ci étaient concurrents et parfois incompatibles.

Le cours de l’an dernier a permis d’identifier trois langages : l’universalisme cosmopolite, souvent associé à l’œuvre de Kant, qui fonde la morale sur la raison individuelle, et la tolérance sur la liberté de conscience et la diversité des croyances ; l'universalisme historique, articulé autour de la notion de civilisation, qui décrit un processus menant toutes les sociétés de l'état sauvage à l’état civilisé ; l'universalisme critique, qui dénonce des situations d’injustice au nom d’une humanité commune.

La Révolution française a reconfiguré ces langages en les articulant dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cependant, cette synthèse révèle des contradictions entre l'universalisme des droits, qui s’adresse à tous, et la souveraineté nationale, qui fonde une communauté spécifique. La promesse universaliste de la Révolution ne peut être tenue, car elle reste prise dans le « paradoxe de l’émancipation républicaine » (G. Rousselière) qui produit à son tour de l’exclusion, ainsi que dans la pensée historique de la civilisation. Les révolutionnaires sont alors amenés à ériger la France en modèle de la liberté, au risque de donner naissance à un universalisme impérialiste.

Le cours de cette année visera à suivre la façon dont ces discours de l’universel nous ont été transmis et comment ils n’ont cessé d’évoluer depuis plus de deux siècles.

Références des œuvres citées dans le cours

  • Sophie Bessis, La Double impasse. Luniversel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand, Paris, Riveneuve, 2024 [2014].
  • Blandine Chelini-Pont et Valentine Zuber, Géopolitique des droits humains. Luniversalisme mis au défi, Paris, Le Cavalier bleu, 2024.
  • Yves Citton, Altermodernités des Lumières, Paris, Seuil, 2022, p. 259-287.
  • Valérie Cossy, « Vertus du désajustement. Critique et intelligibilité des Lumières selon Isabelle de Charrière », dans Femmes des Lumières, Recherches en arborescences, dans Huguette Krief et al (dir.), Classiques Garnier, 2018, p. 63-86.
  • Souleymane Bachir Diagne, Universaliser. Pour un dialogue des cultures, Paris, Albin Michel, 2024.
  • Hans Joas, Comment naissent les valeurs, Paris, Calmann Levy, 1997.
  • Jean-Manuel Larralde, « Lorsque René Cassin commentait la Déclaration universelle des Droits de lhomme » Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, n° 7, 2009.
  • Catherine Malabou, « Critique du racisme, racisme critique : une alternative kantienne », in Antoine Grandjean (dir.), Kant (in)actuel, Paris, Puf, 2024, p. 249-280.
  • Geneviève Rousselière, Sharing Freedom. Republicanism and Exclusion in Revolutionary France, Cambridge University Press, 2024.
  • Ato Sekyi-Otu, Left Universalism. Africacentric essays, Londres, Routledge, 2018.
  • Céline Spector, Éloges de linjustice. La philosophie face à la déraison, Paris, Seuil, 2016.
  • Jean Starobinski, « Les Lettres écrites de Lausanne de Madame de Charrière : Inhibition psychique et interdit social » in Roman et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Éditions sociales, 1970, p. 131-151.
  • Laurence Vanoflen, « Vers une plus grande égalité. Isabelle de Charrière et la fiction », Dix-Huitième siècle, n°  53, 2021, p. 615-631.
  • Ge Zhaoguang, « Lempire-monde fantasmé », in Anne Cheng (dir.), Penser la Chine, Paris, Gallimard, p. 58-105.