Résumé
L’enthousiasme de Hugo ou Michelet pour la vocation universelle de la Révolution française est contemporain de la conquête puis de la colonisation de l’Algérie. Cette séance porte sur les évolutions de la doctrine coloniale française, autour de ce qu’il est convenu d’appeler « la mission civilisatrice », expression qu’il convient d’interroger car elle fut en réalité peu utilisée et qu’elle recouvre des politiques différentes.
Un premier temps est consacré au retournement des penseurs libéraux comme Tocqueville, au milieu du XIXe siècle, qui abandonnent l’anti-impérialisme hérité des Lumières et contribuent à promouvoir, au sein des élites, une « bonne conscience coloniale » (Jennifer Pitts). Puis, nous revenons sur le fameux débat parlementaire de 1885 qui vit notamment s’opposer Jules Ferry et Georges Clemenceau. La colonisation y fut à la fois justifiée et dénoncée. Tandis que Ferry, reprenant les termes de la droite catholique, défendait le « droit et le devoir des races supérieures à civiliser les races inférieures », dans une appropriation et une radicalisation de l’universel civilisateur des Lumières, Clemenceau lui répondait vertement en retrouvant les accents anticolonialistes de Diderot et en se réclamant des droits de l’homme. Un troisième moment de la séance essaie de cerner les mutations du discours colonial français, à travers les notions de « civilisation » et de « mise en valeur des colonies », et décrit les apories du discours assimilateur, rapidement abandonné au profit d’une gestion inégalitaire des droits (régime de l’indigénat) et d’un découplage de la nationalité et de la citoyenneté. Enfin, nous terminons par l’évocation de l’exposition coloniale qui s’est tenue à Paris en 1931, moment de propagande impériale qui révèle les contradictions de l’universalisme colonial.