Résumé
Après Victor Hugo la semaine dernière, c’est un autre géant du XIXe siècle qui nous accompagne lors de cette séance : Jules Michelet. Celui-ci, « créateur de l’histoire de France », selon la formule, a puissamment contribué à naturaliser l’idée d’une mission universelle de la France. Pour le comprendre, il faut revenir aux sources de sa philosophie de l’histoire, l’Introduction à l’histoire universelle, publiée en 1831, dans laquelle il affirme que la France, parce qu’elle est le « peuple le plus mélangé », a reçu de son histoire « le pontificat de la civilisation moderne ».
Dans l’Histoire de la Révolution française (1847-1853), la perspective a changé, 1789 désormais fait rupture. La Révolution est à la fois un avènement et une révélation. Les chapitres célèbres consacrés au mouvement des fédérations, puis à la Fête de la fédération du 14 juillet 1790, célèbrent l’unité de la France, l’abandon de toutes particularités sur l’autel de la patrie, la marche de la nation dans la fraternité. Empreints de religiosité, ils mettent en scène « la religion nouvelle », substitut quasi mystique au christianisme désormais répudié. L’histoire de France est une liturgie de la nation aux résonances mondiales.
Dans les années 1860, Michelet ira bien plus loin encore dans le rejet du Moyen Âge chrétien. Dans la Bible de l’Humanité (1864), il inscrit 1789 dans une autre généalogie universaliste, celle du « torrent de lumière » venu de la Haute Antiquité, des religions indienne, perse et grecque. Le changement est profond. Au prix d’un manichéisme parfois troublant, Michelet réinvente sa philosophie de l’histoire, mais conserve à la France issue de la Révolution sa dimension universelle.