L’un des terrains de rencontre les plus spectaculaires entre l’architecture et la politique se forme lors de la mise en place d’un nouvel ordre social, consécutif à une victoire militaire ou à une révolution. Des édifices éphémères sont dressés pour célébrer le changement, dont certains prennent une forme permanente. Les parades et les manifestations définissent de nouvelles topographies urbaines, elles aussi destinées souvent à perdurer dans la forme des villes.
Dans le même temps, une architecture en quelque sorte négative se manifeste avec le vandalisme des nouveaux pouvoirs, prompts à effacer les traces bâties des régimes antérieurs.
De nombreux projets engagés depuis la fin du XIXe siècle pour manifester avec des édifices ou des tracés urbains la force des régimes émergents peuvent être placés à l’enseigne de l’œuvre d’art totale, telle que l’a définie Richard Wagner, opérant à des échelles multiples et avec des médias distincts, mais partie prenante d’un même chœur architectural.
L’analyse porte sur les épisodes relatifs à la Révolution française et à l’Empire, aux révolutions russe et allemande, au fascisme italien et au IIIe Reich. Dans la sphère coloniale, où la mise en scène de la domination a largement utilisé le registre de l’architecture, l’attention porte sur des villes comme Alger ou Casablanca, les formes de la rupture coloniale participant par ailleurs d’une réappropriation des dispositifs existants, dont des interventions à portée symbolique transforment le sens.