Deux coupes longues rendant compte de l’interaction entre politique et architecture en Allemagne peuvent être tracées. La première fait apparaître l’enchaînement assez rapide des régimes politiques entre l’unité allemande de 1871 et la fin de la guerre froide que marque la Wende, intervenue en 1989-1990. La seconde révèle les profondes transformations de la théorie et de la pratique de l’architecture pendant ces 120 années, informées par celle des sciences, de la culture et des arts. Des coupes plus courtes sont indispensables pour mesurer la dynamique plus interne de l’architecture, en révélant les péripéties constitutives des trajectoires de plusieurs professionnels dont la production a traversé les régimes, qu’il s’agisse des activités menées dans les années 1920 et 1930 par ceux qui furent formés avant 1914, de celles qui furent menées sous le nazisme par les architectes formés sous Weimar, ou encore de celles, plus tendues, des architectes dont la pratique s’est déployée au cours de quatre régimes successifs. Latéralement, les mouvements de certains entre les deux Allemagne, les exils et les retours doivent aussi être pris en compte.
L’analyse de la longueur des trajectoires des architectes et de leur capacité à traverser les régimes sans nécessairement infléchir leur problématique éclaire cette configuration. Sont donc considérés les parcours d’une vingtaine d’individus nés entre la fin des années 1860 et le début du XXe siècle, dans leur intersection avec les régimes politiques successifs sous lesquels ils ont opéré. L’analyse porte ainsi sur les trajectoires de figures déterminantes de la culture architecturale allemande que furent Peter Behrens, Hans Poelzig, Paul Schultze-Naumburg, Heinrich Tessenow, Paul Schmitthenner, Paul Bonatz, Wilhelm Kreis, Hans Scharoun, Ernst May, Bruno Taut, Ludwig Mies van der Rohe et Egon Eiermann.