La configuration spécifique du rapport entre l’architecture et le politique, tel qu’il est façonné par l’action de groupes précis, de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, peut être examinée en interrogeant la notion de génération. Après Karl Mannheim, l’une des réflexions les plus fécondes pour saisir leur jeu est celle que l’historien Reinhart Koselleck a proposée dans son Futur passé [1]. Si l’on s’inscrit dans la perspective qu’il trace, on pourrait dire que chaque génération partage tant un même « horizon d’attente » qu’un même « espace d’expérience ».
Une série d’épisodes considérés auparavant de façon longitudinale – ou diachronique – sont donc revisités de façon synchronique. Politique plus qu’architecturale, l’entrée correspond bien souvent aussi à des seuils dans la théorie et la pratique de l’architecture. Ces seuils coïncident évidemment avec la liquidation, puis le remplacement des hiérarchies et des institutions existantes, qui sont souvent la conséquence des mutations révolutionnaires et l’apparition de nouvelles formations et espérances sociales. Ils s’inscrivent aussi dans cet horizon d’attente que l’on nomme « progrès ». Plus précisément, ils jalonnent l’émergence de la modernité, horizon d’attente détaché des expériences antérieures. Sont ainsi interrogées dans leurs attentes et leurs expériences les générations de 1789, de 1848, de 1871, de 1914-1918, de 1933, de 1940-1945, de 1968, et les contemporains.
Cette étude synchronique des générations, qui reste largement à faire, comme celle, diachronique, des trajectoires longues des architectes, des décideurs et des militants, est indispensable à la compréhension des ajustements entre architecture et politique.