En 1998, Jean-Pierre Changeux et moi-même avons présenté une synthèse de ces quatre idées sous forme d'une architecture cérébrale plausible d'un « espace de travail neuronal global » (global neuronal workspace ou GNW). Notre théorie distingue deux espaces computationnels : les processeurs spécialisés, modulaires, encapsulés et automatiques, et l'espace global formé de neurones à axones longs capables de diffuser l'information à des régions cérébrales distantes. L'accès à la conscience correspondrait à l'ignition soudaine de ces neurones à axones longs, distribués dans l'ensemble du cortex cérébral, mais particulièrement denses dans les cortex préfrontaux et pariétaux. Selon la théorie, durant la perception consciente, le GNW se stabilise, pour une durée minimale, dans un état réverbérant méta-stable, qui permet de garder l'information « en ligne » pour une durée arbitraire. Ainsi, nous appelons « consciente » toute information qui, ayant atteint ce niveau de traitement central et global, est devenue accessible à tous les processeurs et donc, en particulier, aux processeurs verbaux qui permettent un rapport verbal.
Notons que, selon le modèle, un même processeur peut participer à des traitements conscients et non-conscients, le mode conscient se caractérisant par une amplification descendante et une mise en synchronie avec les neurones du GNW. Par ailleurs, les neurones du GNW sont supposés être le siège d'une activité spontanée permanente modulée par (1) des signaux ascendants d'éveil ; (2) des signaux sélectifs de renforcement. La série temporelle d'états métastables qui en résulte correspondrait au « flux de conscience » décrit par William James. Ces états d'activité ont été simulés dans des modèles semi-réalistes de réseaux neuronaux (Dehaene & Changeux, 2005 ; Dehaene, Kerszberg, & Changeux, 1998 ; Dehaene, Sergent, & Changeux, 2003).