Notre compréhension croissante des mécanismes neuronaux qui sous-tendent la prise de conscience d'une information laisse espérer des applications cliniques.
Un premier champ d'application concerne l'hypothèse que certaines pathologies cérébrales affectent plus sélectivement les réseaux corticaux à longue distance et descendants (top-down) associés à l'accès conscient, tout en laissant largement intacts les systèmes corticaux modulaires responsables de traitements automatisés non-conscients. À l'exact opposé de la neuropsychologie classique, qui se focalise sur les dissociations fonctionnelles affectant des compétences spécifiques et résultant de lésions cérébrales focales, le modèle de l'espace de travail neuronal global prédit que des atteintes diffuses, soit des corps cellulaires des neurones à axones longs, soit des longs faisceaux de la substance blanche correspondante, doivent entraîner des déficits dans une grande variété de tâches avec effort, de synthèse consciente ou de contrôle exécutif, tout en laissant intactes le traitement spécialisé non‑conscient. La schizophrénie et l'autisme peuvent être analysés sous cet angle. En dépit de l'étendue de leurs troubles, les patients schizophrènes présentent une remarquable préservation de l'amorçage subliminal et d'autres phénomènes non‑conscients ou implicites (Danion, Meulemans, Kauffmann-Muller & Vermaat, 2001 ; Dehaene, Artiges et al., 2003). Par contre, leur seuil de perception consciente lors du masquage est anormalement élevé (Del Cul, Dehaene & Leboyer, 2006). De ce point de vue, la schizophrénie présente des parallèles étroits avec d'autres catégories de pathologies : d'une part, les patients atteints de sclérose en plaque au stade débutant, où l'étendue de la pathologie des faisceaux transcorticaux à longue distance prédit la sévérité du trouble de perception consciente (Reuter et al., 2007 ; Reuter et al., 2009) ; et d'autre part, les patients atteints de lésions cérébrales focales du lobe frontal, particulièrement lorsque le cortex frontal rostral est atteint (aire 10 de Brodmann), qui présentent également un trouble de perception subjective de stimuli masqués (Del Cul, Dehaene, Reyes, Bravo & Slachevsky, 2009).