Résumé
Il est peu contestable, sauf à s’enfermer dans une conception de la philosophia perennis, que la réflexion portant sur la nature, les objets, les prétentions de la philosophie à la connaissance, et sur les relations qu’elle doit ou non entretenir avec son passé comme avec les autres sciences (sciences de la nature mais aussi sciences humaines et sociales) a connu de considérables variations au cours de son histoire.
Si l’on s’en tient à l’histoire récente de la philosophie, la question de la connaissance des essences y a fait l’objet d’une attention aiguë, notamment à partir des années 70, permettant la clarification de maints concepts et problèmes relatifs, par exemple, à l’analyse conceptuelle, à la nature de l’a priori, à la place à accorder à l’a posteriori, à la réduction possible ou non de l’essence à la modalité, aux formes diverses aussi que peut prendre l’essentialisme, aux concepts d’espèce naturelle, de fondement, de nécessité, à la question de savoir s’il y a lieu de continuer à mettre la philosophie du langage en position de philosophie première, s’il faut tenir bon sur l’idée d’une base « logique » de la métaphysique ou encore d’une conception foncièrement « modale » de la philosophie, et si l’on s’est enfin doté des moyens de répondre au défi de l’intégration censés assurer le lien rationnellement satisfaisant entre métaphysique et épistémologie.
La philosophie de la connaissance elle-même, on l’oublie trop souvent, a permis, elle aussi, de remarquables avancées dans l’élucidation de la nature même de la « connaissance », de ses objets, de ses agents, ouvrant nombre de perspectives fécondes.
Je reviendrai sur ce que je tiens pour des jalons décisifs de cette histoire récente de la philosophie contemporaine, mais aussi sur l’invisibilisation qui tend parfois à se dessiner, de problèmes philosophiques majeurs, toujours en suspens, que l’on ne saurait renoncer à affronter, sauf à trop sacrifier, cette fois, à certaines « demandes » philosophiques du siècle, et à perdre de vue les défis toujours devant nous, certes, de l’intégration de la métaphysique et de l’épistémologie, mais, plus largement, de ce qui constitue, à mon sens, l’identité de la philosophie, partant, de ce qui assure l’autonomie de la discipline et rend son existence non seulement légitime mais nécessaire.