Depuis l’Europe des Lumières, on s’est beaucoup occupé de « penser la Chine », quitte à fabriquer les représentations les plus contradictoires, entre la « Chine philosophique » et le « despotisme oriental », entre une Chine éternelle, esthétique et consensuelle, et une autre, imprévisible et inquiétante. Pour sortir de ces clichés tenaces, Anne Cheng nous propose d’exercer notre oreille à capter ce que les auteurs chinois nous donnent à entendre. La Chine ne serait-elle pas capable, après tout, de penser et de se penser par elle-même ?
Ce livre est la réédition par le Collège de France de l’ouvrage publié sous le même titre en 2009 (Collège de France/Fayard).
Née en 1955, Anne Cheng a mené ses travaux de recherche et d’enseignement sur les sources de la tradition et de la modernité chinoises, d’abord au CNRS, puis à l’Inalco, avant d’être élue au Collège de France en 2008 sur la chaire Histoire intellectuelle de la Chine. Elle est l’autrice notamment d’une traduction en français des Entretiens de Confucius (1981) et d’une Histoire de la pensée chinoise (1997, rééd. 2002 et traduite dans de nombreuses langues). Elle a également dirigé plusieurs ouvrages collectifs, dont La Pensée en Chine aujourd’hui (2007) et Penser en Chine (2021). Elle co-dirige depuis 2010 la collection bilingue « Bibliothèque chinoise » aux Belles Lettres, et depuis 2020 la collection numérique « Myriades d’Asies » au Collège de France.
De son côté, la Chine ne veut plus rester là à se laisser étudier, sage comme une image ; elle est devenue un interlocuteur, voire un intervenant actif, dans nos débats pour la simple raison qu’elle s’emploie depuis une trentaine d’années (autant dire une génération) à assimiler tout l’apport des sciences humaines occidentales et, depuis peu, à se réapproprier sa tradition intellectuelle et culturelle, à commencer par ce que recèle son sous-sol. Les découvertes archéologiques, qui ont commencé paradoxalement au plus fort de la Révolution culturelle, sont comparables, dans leur portée et leurs conséquences pour notre vision de l’antiquité chinoise, à la découverte des manuscrits de la mer Morte : tout en confirmant l’authenticité de certaines sources traditionnelles, elles bouleversent nos conceptions héritées de vulgates qui semblaient acquises.