Résumé
La christianisation de la culture écrite a connu un cas tout à fait caractéristique : celui des lettres des évêques d’Égypte, conservées sur différents supports tels que le papyrus (sous forme de rouleaux ou de codices) ou les ostraca, écrites pour organiser et catéchiser les diocèses ou le patriarcat, depuis les lettres de recommandation les plus simples (par exemple, celles rédigées par Sotas, évêque d’Oxyrhynchos au IIIe siècle) jusqu’à celles, plus officielles, adressées à tous les fidèles d’un diocèse ou de l’Égypte tout entière afin de les informer d’une décision disciplinaire, d’un choix doctrinal, d’une coutume liturgique (les deux genres trouvant leur préfiguration dans les lettres pauliniennes).
La documentation égyptienne soulève un double problème : (1) le bilinguisme gréco-copte de la société égyptienne et (2) la relation entre les lettres réelles et leur transformation en œuvres littéraires.
(1) Les premières lettres des évêques ont été écrites en grec (à la différence des lettres privées des moines ou d’autres groupes, qui utilisent souvent le copte), mais à partir de la seconde moitié du au VIe siècle, certains évêques commencent à les écrire en copte, tels qu’Abraham d’Hermonthis ou Pisenthios de Keft (VIe-VIIe siècles) ; les patriarches d’Alexandrie continuent jusqu’au XIe siècle d’écrire leurs lettres en grec (y compris celles annonçant la date de Pâques ou « lettres festales ») – même si elles pouvaient être traduites en copte (par exemple, la première lettre festale de Cyrille traduite en achmimique). Tout cela permet de réfléchir sur le rôle croissant du copte dans la société égyptienne entre le IVe et le VIIIe siècle, mais aussi sur son incapacité à devenir une véritable langue publique.
(2) Alors que les lettres des évêques sont souvent écrites sur des ostraca, les lettres des patriarches sont conservées sur des papyrus adoptant un des deux formats attestés pour les autres textes officiels : en rouleaux écrits en plusieurs colonnes parallèles au sens des fibres, ou sur une colonne unique dans le sens contraire des fibres (transversa charta). Ces documents pouvaient aussi faire partie de collections de textes conservés dans des codices, en papyrus ou en parchemin, sanctionnant leur transformation en textes littéraires : par exemple, la lettre de Pierre avec l’excommunication de Melitius, la traduction copte des lettres festales d’Athanase ou la collection de lettres festales de Cyrille.