Résumé
Au XVIIe siècle, une « Andromaque » désigne une veuve. Ce sens, figé dans les textes ultérieurs et dans l’imaginaire collectif, empêche de voir comment un auteur comme Racine a pu faire de la figure d’Andromaque, contre l’image de la veuve éplorée, une héroïne singulière : une femme qui active la mémoire du trauma, refuse d’oublier le passé et réveille la douleur que l’on veut faire taire.
N’est-ce pas contre la fixation arbitraire du sens d’une œuvre que Proust nous invitait, dans son essai Sur la lecture, à ne pas en rester à la lecture de morceaux choisis ? L’imprégnation de la lecture, expliquait-il, nous pousse à mettre l’accent sur certains détails qui nous font oublier le texte. C’est donc en revenant au texte et en le considérant dans son entièreté qu’un autre sens peut surgir, qui émancipera l’imagination du sens fixé par la tradition. Dans le cas d’Andromaque, contre l’image de la pleureuse, c’est une héroïne du refus de l’oubli, activant le souvenir, qui peut apparaître à la relecture.