Résumé
Dans la tragédie grecque, les entités divines ne sont pas représentées, mais présentifiées grâce à la puissance performative de la parole : ce rapport particulier avec l’invisible invite à interroger le théâtre comme forme d’interprétation.
La mise en scène contemporaine peut aussi créer l’invisible en se réappropriant des mythologies préexistantes. La performance Encantado (2021) de Lia Rodrigues reprend le paradigme de la présentification de l’invisible : elle repeuple le cosmos d’êtres issus de la mythologie afro-amérindienne, relue à travers la conscience postcoloniale contemporaine. Bros (2021) de Romeo Castellucci s’appuie, en revanche, sur le paradigme chrétien de la Révélation pour mettre en scène la transformation de la divinité en idole sécularisée et tyrannique, ainsi que la confusion entre transcendance divine et toute-puissance humaine.
De telles mises en scène sont des expériences sensibles capables d’expliquer, au sens étymologique de déplier, les mythologies, et d’interpréter notre rapport à l’invisible.