Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Les imputations de talent et de génie sont historiquement associées à une individualisation radicale de l’origine de la réussite. Or les domaines d’activité qui recourent à ces imputations peuvent être considérés :

  1. Comme des systèmes d’activité dans lesquels le principal bénéficiaire de l’attribution de talent ou de génie occupe une position certes centrale, mais ne peut travailler qu’au sein d’un réseau de collaborations et d’interactions qui rendent son activité possible et soutenable.
  2. Comme le produit d’évolutions historiques qui ont dû se constituer en sphères autonomes et en mondes professionnels dotés de leurs normes propres d’exercice et d’évaluation.

Nous examinons tout particulièrement le premier argument, en distinguant plusieurs formules de désindividualisation du talent et du génie. La désindividualisation horizontale est obtenue, comme dans le schéma proposé par Howard Becker [19], par la localisation du travail individuel générateur de réputation dans un réseau d’interdépendances et de coopérations fonctionnelles, auxquelles l’organisation du travail par projet confère un relief supplémentaire. La désindividualisation verticale invoque l’apport des générations antérieures, selon l’argument avancé par Georg Simmel, dans sa Philosophie de l’argent, pour distinguer radicalement le travail complexe ou « supérieur » du travail simple, ou selon l’argument de la théorie marxienne de la valeur, qui veut que tout travail fasse appel à une série infinie d’intrants. Et Proudhon avait fait de la désindividualisation du travail créateur le levier de la critique de la propriété littéraire et artistique et, plus généralement, le principe d’une conception égalitaire des talents et des métiers [20].

Références