Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
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Résumé

Dans notre enquête sur la qualification esthétique de ce qui permet d’attribuer à tel artiste la capacité de « faire la différence » et d’être jugé supérieur à d’autres, nous avons isolé des notions dont l’imprécision est quasiment fonctionnelle. Le régime d’invention qui advient au XVIIIsiècle achève de promouvoir la valeur d’émergence de la nouveauté, accouplée au principe d’originalité, et de placer dès lors le génie au-dessus du talent.

Le talent est la combinaison des qualités reconnues à quelqu’un qui réussit mieux que d’autres, sur la base de l’évaluation de ses réalisations : il a la capacité, ou le « potentiel », d’origine énigmatique, pour réaliser quelque chose de remarquable, sans que l’acquisition, par apprentissage, et la maîtrise de compétences bien définies soient écartées comme un repoussoir du talent. Quant au génie, il est certes la qualification attribuée à quelqu’un dont les réalisations sont jugées exceptionnelles, mais la qualification de génie signale le basculement vers un autre régime de travail artistique. Avec la diffusion du vocabulaire du génie au XVIIIsiècle, et son usage massif par le Romantisme, une nouvelle échelle de valeur, en quelque sorte déplafonnée, est inventée, qui sépare le talent, entendu comme un potentiel et comme une capacité attestée sur différentes dimensions particulières, d’un côté, et le génie comme potentiel pleinement accompli, développé et incarné dans des réalisations d’exception, de l’autre. Avec une propriété d’asymétrie typique : le talent peut être inclus dans la définition du génie, mais le génie ne peut pas être incorporé dans une définition du talent.

Références