Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Nous examinons les constituants du modèle de valorisation du talent dans les arts. Il importe d’abord de délimiter le périmètre du domaine des arts et de définir la professionnalité. Une illustration de la variabilité historique et géographique de la délimitation des arts est donnée à partir des travaux de la statistique publique française et américaine. Les critères de professionnalité artistique sont eux-mêmes multiples, concurrents, mais aussi sujets à controverse, puisque l’exportation de la notion de talent hors de la sphère des arts, où elle a été historiquement façonnée, donne lieu à une critique de l’économie politique du talent.

Il convient ensuite de déceler dans le travail artistique les qualités dont la distribution motive les écarts de réussite et la hiérarchie des valeurs. Un paradoxe est constant : les arts offrent un potentiel d’individualisation et de différenciation sans limites assignables, tout en suscitant des évaluations comparatives qui classent les artistes, sans référence possible à des critères absolus. Nous montrons, notamment à partir des recherches de Michael Baxandall, de Martin Warnke et d’Antoine Schnapper [8], comment l’histoire sociale des pratiques créatrices dans les arts visuels ne peut pas être réduite à la simple distinction routinière entre des temps anciens, qui ne connaîtraient rien d’autre que le travail de l’artiste artisan membre d’une corporation, et une organisation académique, qui contrôlerait étroitement l’esthétique et l’organisation de la production, d’une part, et une modernité, qui adviendrait à partir du XVIIIsiècle, pour célébrer le génie de l’artiste demi-dieu, puis martyr de l’incompréhension, dans sa version romantique ou avant-gardiste, d’autre part. Un principe d’analyse organise notre enquête historique. Quelles que soient les qualités identifiables chez les artistes et observables dans les œuvres, les appréciations sur ces qualités sont assorties de plages de variabilité telles que certaines qualités agissent comme des métarègles. Par exemple, comme l’écrit Baxandall :

« [la facilita résulte] d’un talent naturel et de capacités acquises et développées au travers de l’exercice, mais, bien entendu, on utilisait souvent le mot avec plus de liberté et de laxisme. L’agilité que supposait dans la pratique l’exercice de cette vertu (facilita) était l’une des qualités les plus appréciées de la Renaissance, mais elle était, et elle est toujours, difficile à définir avec précision. » [9]

Références