Résumé
Après étude et essai, c’est le terme d’essayiste que l’on choisit d’examiner. Si Proust ne l’emploie a priori pas, il le connaît. Faguet, dans son article sur Balzac, réprouve l’essai dans le roman que pratique, selon lui, l’auteur de La Comédie humaine. Proust s’en souviendra pour créer Norpois et Brichot. Faguet fustige en Balzac l’« essayiste » interrompant le récit par des « dissertations », des « conférences ». Dans le Contre Sainte-Beuve, Proust blâme Faguet et il le pastiche de son vivant dans Le Figaro.
Le terme essayiste vient de Montaigne et de ses Essais, mais aussi de la langue anglaise avec essayism, soit le genre anglais de l’essai. Que dire des rapports de Proust et de Montaigne ? Dès janvier 1914, à propos de Du côté de chez Swann, Henri Ghéon, dans La NRF, évoque « une œuvre de loisir » ; mais, en divertissant, l’œuvre artistique n’en devient-elle pas, à un certain point, vaine ? Otium studiosum ou oisiveté, temps perdu ? Le critique loue néanmoins l’observation faite par Proust de « l’hypersensibilité moderne ». Ambigu, l’article est lu par l’écrivain comme un éreintement. A contrario, le rapprochement entre essai et roman peut être positif chez Jacques Boulanger, lequel s’exprime dans L’Opinion, au moment de la polémique dans l’attribution du Goncourt à Proust. Son article répond à celui de Jean de Pierrefeu dans Les Débats, lequel fustige un « recueil d’insomnies écrit par un reclus volontaire ». Proust se voit ainsi reprocher de n’être pas un écrivain combattant, de ne pas respecter les genres littéraires, voire de verser dans l’enquête psychologique scientifique. Pour défendre Proust, Boulanger cite favorablement Montaigne : si Proust est, selon les dires de Pierrefeu, un reclus, Montaigne est-il pour autant un homme d’action ? En fait, le mythe de Montaigne retiré dans sa tour est, depuis cette date, dépassé. Quant à la confusion des genres, Boulanger propose de ranger l’œuvre de Proust parmi les essais, Montaigne en étant un fameux précédent.