Transduction auditive : de la physiologie au déchiffrage d'une machinerie moléculaire

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Le cours a porté sur la toute première étape de la perception auditive, la transduction mécano-électrique (ou TME) auditive (thème ayant fait l’objet d’un cours précédent (2002-2003)). L’introduction a rappelé brièvement comment s’est construite notre compréhension des principes biophysiques de la transduction auditive, depuis les travaux pionniers de physiciens et de physiologistes de la fin du XIX^esiècle, établissant les principes de la tonotopie cochléaire, jusqu’à la période 1960-1990, au cours de laquelle deux autres aspects majeurs de la transduction auditive ont été mis en lumière : d’une part, l’existence d’un processus actif amplifiant les vibrations de l’épithélium sensoriel en réponse au son, postulé de façon visionnaire par Thomas Gold en 1948, et responsable de la sensibilité extrême de l’oreille ; et, d’autre part, l’identification de l’antenne mécano-réceptrice des cellules ciliées comme étant la touffe ciliaire, structure polarisée formée de stéréocils dans la membrane desquels les canaux de transduction mécano-électrique (TME) sont situés, et l’élaboration du modèle du gating spring qui rend compte de façon élégante des propriétés de cette transduction.

Dans une deuxième partie du cours, nous avons retracé les étapes qui ont permis le succès de l’approche génétique du déchiffrage moléculaire de la physiologie cochléaire, dans laquelle notre laboratoire s’est engagé au début des années 1990. Ces étapes incluaient l’identification des premiers loci responsables de surdité profonde chez l’enfant, puis le développement de banques d’ADN complémentaire de la cochlée provenant d’hybridation soustractive, conduisant à l’isolement de gènes candidats et enfin la découverte des gènes eux-mêmes. On connaît aujourd’hui plus d’une centaine de gènes responsables de surdités non syndromiques (isolées), dont on estime qu’ils rendent compte d’environ trois quarts des cas de surdités neurosensorielles héréditaires, précoces et profondes. S’y ajoutent environ 300 gènes responsables de surdités syndromiques. Des estimations faites chez la souris, se fondant sur la proportion des gènes inactivés qui conduisent à des altérations de l’audition, prédisent qu’il reste à identifier chez l’homme environ 200 gènes responsables de formes de surdités rares et pour l’essentiel syndromiques.

Dans une troisième partie, nous avons abordé les mécanismes cellulaires et moléculaires de la physiopathologie des atteintes auditives héréditaires, initiée au milieu des années 1990 par notre groupe et d’autres, grâce à l’étude multidisciplinaire des modèles murins de surdités héréditaires humaines. Nous nous sommes concentrés sur les protéines identifiées dans le contexte du syndrome de Usher, la plus fréquente des atteintes héréditaires portant à la fois sur l’audition et sur la vision. Les protéines codées par les six gènes impliqués dans la forme la plus sévère du syndrome de Usher, dite de type 1 (ou USH1) (à savoir la protocadhérine 15, la cadhérine 23, l’harmonine, la myosine VIIa, sans, et CIB2), et une élucidation au moins partielle de leurs rôles-clés dans la machinerie de TME ont été présentées. La protocadhérine 15 et la cadhérine 23, aujourd’hui renommées « cadherinrelated 15 » et « cadherin-related 23 » (cdhr15 et cdhr23), sont les deux protéines d’adhésion transmembranaires, dépendantes du Ca2+, qui forment le tip-link. Les travaux récents de Marco Sotomayor et David Corey qui suggèrent, sur la base de données cristallographiques et de simulations de dynamique moléculaire, un mécanisme d’interaction en « poignée de main » des extrémités N-terminales des deux cadhérines, très différent des interactions connues entre cadhérines classiques, et susceptible de soutenir des forces de tension de l’ordre de 400 pN, ont été discutés. La diversité des interactions entre cadhérines classiques et entre protocadhérines a été discutée de façon assez détaillée car celles-ci fournissent un contexte informatif pour envisager les interactions entre cdhr15 et cdhr23, en attendant des données expérimentales plus définitives. Les autres protéines codées par les gènes Usher 1 forment un complexe moléculaire qui ancre la partie apicale du tip-link aux filaments d’actine des stéréocils. Ces protéines codées par des gènes responsables du syndrome Usher 1 forment donc le cœur de la machinerie de TME ; elles sont également indispensables à la morphogenèse de la touffe ciliaire.