Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Il n’y a pas de Physiologie du chiffonnier, mais il est une créature légendaire de toute cette littérature. Les quinze volumes du Livre des cent-et-un (1831-1834), annoncés sous le titre Le Diable boiteux à Paris, cherchent à « passer en revue le Paris moderne » à la manière du diable Asmodée se promenant sur les toits de Madrid dans le roman d’Alain-René Lesage. Dans un chapitre de Janin, le chiffonnier apparaît comme justicier noctambule allégorique traversant l’histoire, double masqué de l’écrivain. En 1834, dans le Nouveau Tableau de Paris au xixe siècle, Nicolas Brazier évoque les origines souvent militaires du chiffonnier, sa réputation de délateur et sa dimension allégorique. Il ironise sur Liard et qualifie l’émeute des chiffonniers de « conspiration des tombereaux ». En 1841, dans Les Français peints par eux-mêmes, Berthaud divise les chiffonniers entre Auverpins, plus professionnels, et Parisiens. L’année suivante, plusieurs ouvrages portent en partie sur le sujet, comme ceux d’Émile de La Bédollière ou de Paul de Kock. C’est le moment où Baudelaire compose la première version du « Vin des chiffonniers ». En 1844, on retrouve le chiffonnier dans L’Illustration ; en 1852, dans le Tableau de Paris de Texier ; en 1852, dans Les Nuits d’octobre de Gérard de Nerval, où la chiffonnière rencontrée au débit de boisson est une ancienne « merveilleuse » ayant connu Barras. C’est aussi l’époque des feuilletons de Privat d’Anglemont dans Le Siècle.

Il existe une pantomime du chiffonnier par Jean-Gaspard Debureau, Le Billet de mille francs (1826), contant les mésaventures d’un bon chiffonnier étourdi. Philippe Musard, chef d’orchestre des bals de l’Opéra de la rue Le Pelletier, composa un quadrille des Chiffonniers de Paris (1847-1848). Les bals Musard avaient un grand succès au moment du carnaval, et l’on s’y déguisait parfois en chiffonnier, comme dans telle caricature de Gavarni ; d’autres montrent la proximité du chiffonnier et du bal de l’Opéra ou du carnaval, thématiques qu’on retrouve chez Baudelaire. Le Chiffonnier de Paris de Pyat commence un soir de carnaval, et met en scène un bon chiffonnier philosophe, le père Jean. Frédéric Lemaître, pour l’incarner, se serait instruit auprès de Liard. Dans la plus célèbre scène, le héros trie son butin, retrouvant « tout Paris », comme dans la scène de « catalogage » des Misérables, selon le mot de Baudelaire. Lorsque, le 26 février 1848, on ajoute une couronne dans le butin, Janin se scandalise. Pyat intègrera ce passage à la réédition de sa pièce sous la Troisième République. C’est toujours le thème de la boue et de la couronne, parfois associé plutôt à Napoléon qu’au roi – des gravures montrent les deux empereurs en chiffonniers, ou des chiffonniers se prenant pour Napoléon. Pyat republiera sa pièce en 1884 puis en tirera un roman-feuilleton. Viendront deux adaptations au cinéma (1913 et 1924). Pour Jean Pommier, le drame de Pyat est une source du « Vin des chiffonniers », mais c’est plutôt que tous deux empruntent à la même légende familière. Pyat, lui, a sans doute lu Baudelaire, comme le montre sa préface à la réédition du Chiffonnier.

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