Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Quand il s’agit du chiffonnier, la littérature est toujours mêlée à la considération administrative – ainsi d’un rapport renvoyant à La Villa des Chiffonniers de Privat d’Anglemont. W. Benjamin considérait que Baudelaire était solidaire du chiffonnier, modèle du prolétaire et du révolutionnaire, mais il est abusé par un mythe. Karl Marx voyait plus juste quand il incluait les chiffonniers dans le lumpenproletariat malléable et sans conscience politique. Le chiffonnier n’en est pas moins l’un des héros les plus populaires de la société française du milieu du xixe siècle.

La première photographie d’un chiffonnier, par Charles Nègre, est aussi l’une des premières photographies à être considérée comme une œuvre d’art, par le critique Francis Wey, en 1851 ; il y voit une « composition pensée et voulue ». Dans son feuilleton de L’Illustration, en 1848, il livrait une sorte de sémiologie des clichés contemporains et réclamait plus de considération pour les chiffonniers. Il défend le réalisme de Gustave Courbet, selon la même sensibilité qui le pousse à faire l’éloge de Nègre et à comparer sa photographie aux dessins de François Bonvin. Il fait l’éloge du calotype contre le daguerréotype, au nom d’une « théorie des sacrifices » (du détail à l’ensemble), qui rappelle le Salon de 1846 de Baudelaire ou la « science des sacrifices » défendue dans L’Artiste par « feu Diderot » (sans doute Arsène Houssaye). Nègre a photographié un mythe, une allégorie – la hotte du chiffonnier est vide. De même en peinture, chez Édouard Manet ou Jean-François Raffaëlli, les chiffonniers sont relativement propres.

Dans Du Vin et du Haschisch, la description du chiffonnier est conforme au mythe d’époque, aux lieux communs et au lexique des physiologies ; la collecte devient un trésor, et le chiffonnier un sage ou un poète. Celui-ci, sans doute un ancien grognard, se prend sous l’effet de l’alcool, comme chez Privat, pour « Buonaparte » (orthographe péjorative à l’époque), son « sept » se transformant en « sceptre ». Berthaud décrit aussi ce chiffonnier ivre et enragé, raillant les passants, sans trace de protestation politique et sociale. Les chiffonniers se retrouvent pour boire dans la nuit, au fameux « débit de consolation » de Paul Niquet, croqué par Honoré Daumier et décrit par Sue. Ces bouges sont appelés « souricières », à cause des descentes de police fréquentes, et Baudelaire y songea pour le titre d’un de ses poèmes en prose. Toutefois, à la différence de la plupart des journalistes et physiologistes, Baudelaire revient pour finir à la réalité terrible du métier, ce qui indique une éventuelle solidarité avec le chiffonnier, absente des récits contemporains, plutôt à la recherche du pittoresque.

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