La première heure a été consacrée à l’explication du titre, Destructionis destructio, et à ses deux références , Destructio destructionis, la traduction médiévale du Tahafut at-Tahafut d’Averroès, et Traditionis traditio, le titre du recueil publié en 1972 par Gérard Granel, premier utilisateur du terme « déconstruction », lancé par J. Derrida dans la Grammatologie (1967). Après une brève évocation de la figure de G. Granel (1930-2000), philosophe, traducteur et éditeur, on a retracé la genèse du « débat » Foucault-Derrida à partir de la publication de « Jacques Derrida et la rature de l’origine » par Granel (1967) et de « Cogito et histoire de la folie », la conférence donnée en 1963 par Derrida au Collège philosophique créé par Jean Wahl en 1946. Après avoir présenté la critique granélienne de « l’indétermination essentielle de la notion d’archéologie qui commande toute l’entreprise » de Foucault depuis Folie et déraison, on a évoqué la critique foucaldienne de la déconstruction en 1972 dans « Réponse à Derrida » et « Mon corps, ce papier, ce feu », axée sur la critique de la « textualisation des pratiques discursives ». On a repris ensuite le sous-titre du cours, « Heidegger, Foucault et la pensée médiévale », en se demandant si ces trois ensembles avaient ou non quelque chose en commun. Commençant par les deux premiers, on a relu la « dernière interview » accordée par Foucault le 29 mai 1984 sur deux points précis : la présentation par Foucault de Heidegger comme le « philosophe essentiel » qui a rendu possible sa lecture de Nietzsche et la mention des « tonnes de notes » prises sur Heidegger en 1950-1952. On s’est fixé comme première tâche de prendre la mesure exacte des études « heideggériennes » de Foucault durant ses années de formation et d’analyser de ce point de vue le rôle de son maître Jean Hyppolite. L’heure s’est achevée sur l’évocation du texte d’hommage à Hyppolite publié en 1971, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », où Foucault oppose la « généalogie » à la recherche derridienne de l’origine, puis sur la réponse de Foucault à Giulio Preti (1972) où il réitère le rejet de « l’origine » et du « sujet » en des termes qui semblent prendre la même distance avec Heidegger qu’avec Husserl et la phénoménologie.
La seconde heure a été consacrée à la distinction entre le « premier » et le « second Foucault ». Après avoir évoqué les cours du Collège de France (1970-1984) et L’Histoire de la sexualité (1976-1984) – calendrier, changements, ordre de publication – on s’est intéressé au tournant des années 1976-1980, à l’auto-interprétation de 1983/1984 (« Usage des plaisirs et techniques de soi » et « Modifications »), aux trois déplacements allégués – du « progrès des connaissances » aux « manifestations du pouvoir » – puis aux « formes et modalités du rapport à soi par lesquelles l'individu se constitue et se reconnaît comme sujet ». On a considéré ensuite la notion de « jeux de vérité » et d’« histoire de la vérité ». On s’est demandé si le projet foucaldien d’une histoire/analyse « des jeux du vrai et du faux à travers lesquels l’être se constitue historiquement comme expérience, c’est-à-dire comme pouvant et devant être pensé », était une idée « heideggérienne ». Après un examen de la « présentation personnelle » de 1980, rédigée sous le pseudonyme de « Maurice Florence » et se réclamant d’une « histoire des régimes de véridiction » et d’une « histoire critique de la pensée », on a posé la question du rapport Foucault-Heidegger sous le double éclairage de l’autointerprétation et de la « dualité ». On a ainsi abordé la distinction entre le « premier » et le « second Heidegger » à partir de la « Lettre à Richardson » (avril 1962) et de l’idée du « Tournant » (Kehre), censément accompli en 1947 avec la Lettre sur l’humanisme. On est alors revenu sur la question du « philosophe essentiel » en soulignant la nécessité d’une remontée au corpus heideggérien, à sa constitution et à sa diffusion : le Heidegger lu par Foucault dans les années 1950 n’est pas le Heidegger de la Gesamtausgabe, celui des années 1980 ni, a fortiori, celui des années 2010. Pour évaluer la thèse reçue selon laquelle, en dehors des textes des années 1950 consacrés à Ludwig Binswanger, il n’y aurait pas trace d’une influence de Heidegger sur Foucault, on a tracé une nouvelle perspective de recherche fondée sur les « notes » de lecture versées en 2013 au Fonds Foucault de la Bibliothèque Nationale.