Une distinction mérite d’être faite entre deux types de cas dans lesquels on décrit quelque chose (un signe, une expression) comme étant une image : l’un dans lequel ce dont il est question est la fonction, le rôle, l’usage de ce signe ou de cette expression (« ce récit, ce dessin, sont une bonne image de la douleur éprouvée par cet homme »), l’autre dans lequel c’est à la forme, à la « nature » du signe qu’on s’intéresse. Cela est manifeste, nous semble-t-il, lorsqu’on considère les images-objets par exemple. « Il est ici utile d’introduire le concept d’image-objet. Par exemple la figure serait une « image-visage ». Je me rapporte à elle à plus d’un égard comme je réagirais à un visage humain. Je peux étudier son expression, réagir à son égard comme je réagirais à un visage humain. Un enfant peut parler à des images-hommes, ou à des images-animaux, il peut les traiter comme il traite des poupées » (PU II, p. 194). L’expression « être une image » peut ainsi vouloir dire ou bien « avoir la fonction d’une image, être une description », ou bien « avoir la forme, le fonctionnement d’une image. »
Dans le Tractatus, Wittgenstein ne distingue pas entre nature et fonction d’un symbole. Au contraire, la confusion est explicite et assumée, puisque dire de quelque chose que c’est une image, une proposition, c’est dire à la fois quelque chose au sujet de sa nature et de sa fonction – de sa forme et de son usage. C’est la nature des images et des propositions qui est décrite par la relation de reproduction (Abbildung) : il existe une structure logique commune entre le fait et l’image, la proposition, qui le reproduisent. C’est, en revanche, la fonction des images et des propositions qui est concernée par leur caractérisation comme figurations. Nous voulons nous intéresser, d’une part, au caractère indissociable des relations de reproduction et de figuration dans le Tractatus (que nous voulons expliciter principalement à partir du paragraphe 4.016), et, d’autre part, à la remise en cause de celui-ci dans les années 30. Nous chercherons en particulier à examiner comment la primauté accordée aux questions d’usage dans cette période tend à faire rejeter un peu rapidement à Wittgenstein des considérations de forme, qui restent toutefois présentes, mais de manière qui semble parasitaire. Nous tenterons alors de comprendre dans quelle mesure des textes plus tardifs de Wittgenstein apportent (ou non) un éclairage plus satisfaisant sur l’ambivalence (forme/usage) des concepts de proposition et d’image, et nous permettent (ou non) de nous défaire des crampes philosophiques provoquée par celle-ci.