Résumé
L’art du seuil et du bienvenir. Bienvenue : tel est le mot qui tapisse les aéroports en dix langues ou plus. Nom féminin, semble-t-il, mais ne faut-il pas se souvenir du verbe bienvenir symptomatiquement peut-être, qualifié d’inusité. Cette absence d’usage signifie-t-elle que le verbe, verbe d’action, a perdu son usage en perdant son sens et sa réalité ? Reste donc bienvenu qui est ce que l'on appelle si joliment un participe qui peut se singulariser au féminin et au masculin. C’est en songeant à ce bienvenir que je suis revenue vers l’abondant séminaire que Derrida a consacré à l’hospitalité, qui m’a semblé tellement tenté par une hyperbolisation de l’accueil inconditionnel que je me suis intéressée bien au contraire à ce que sont et peut-être doivent être les conditions d’un véritable accueil. Il ne s’agit pas pour moi de construire un concept absolutiste qui serait associé à la définition de toute vie politique car l’hospitalité devrait alors nécessiter la construction politique qui par voie de conséquence serait accueillante. L’hospitalité inconditionnelle apparaît finalement sous condition. Bien au contraire, partant d’un exemple anthropologique tout à fait concret, j’en ferais le modèle d’une construction où l’espace et les lieux d’accueil portent la marque d’une rupture radicale avec l’inhospitalité. Il s’agit de penser l’accueil avec le lexique sensible des corps, des lieux, des écarts et des partages. Bien venir a pour condition d'entrer dans les espaces de réception et dans ceux de la régulation des écarts.