Toutes les deux semaines, un sujet d'actualité scientifique éclairé par une chercheuse ou un chercheur du Collège de France.
L’impact des astrocytes sur les pathologies neurodégénératives
Les astrocytes, longtemps considérés comme de simples cellules de soutien aux neurones, joueraient un rôle fondamental dans le fonctionnement cérébral. Perturbées par des facteurs environnementaux, notamment l’exposition aux pesticides, ces cellules pourraient être impliquées dans des maladies neurodégénératives, comme l’autisme ou la maladie d’Alzheimer.
Rencontre avec Rodrigo Alvear Perez*, biologiste au Collège de France.
Les astrocytes, des cellules en forme d’étoile, constituent l’environnement des neurones et assurent le bon fonctionnement du système nerveux central. Loin de se résumer à celui de structures de support, le rôle des astrocytes est multiple. Ils nourrissent les neurones, leur apportent des substrats énergétiques et participent au bon fonctionnement de la barrière hémato-encéphalique, qui régule les échanges entre le cerveau et le système sanguin. En outre, les astrocytes assurent la régulation de l’équilibre biochimique nécessaire à l’activité neuronale. « Sans les astrocytes, le cerveau serait incapable de fonctionner correctement, explique Rodrigo Alvear Perez, ils jouent un rôle clé dans la plasticité synaptique, c’est-à-dire la capacité du cerveau à s’adapter et à apprendre. »
Des études récentes ont révélé que les astrocytes participent également à la réparation des lésions cérébrales en favorisant le processus de cicatrisation. Cependant, lorsque ce mécanisme de protection s’emballe, il peut conduire à des inflammations chroniques et participer au développement de pathologies neurodégénératives. « Un dérèglement des astrocytes pourrait avoir des conséquences bien plus profondes qu’on ne l’a longtemps supposé », ajoute le chercheur. C’est pour cela que les biologistes s’intéressent de plus en plus à ces cellules dans l’étude de maladies, comme l’autisme et Alzheimer.
Quand l’environnement perturbe le cerveau
L’une des recherches les plus prometteuses concerne l’impact des pesticides sur les maladies neurologiques. « Depuis quelques années, nous avons observé que certains pesticides pouvaient contribuer à l’émergence dans l’apparition de troubles neurodéveloppementaux, comme l’autisme », explique le chercheur. En effet, des études épidémiologiques ont montré une corrélation entre l’exposition aux pesticides et une incidence accrue de l’autisme dans les zones agricoles. Mais comment ces substances influencent-elles le développement cérébral ? « Nous avons constaté des modifications morphologiques et métaboliques des astrocytes, qui perturbent ensuite le fonctionnement des neurones associés. »
Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles pistes pour comprendre les causes environnementales de l’autisme, mais aussi d’autres pathologies, comme Alzheimer. « On sait que cette maladie est liée à l’accumulation de plaques toxiques, dites amyloïdes, mais le rôle des astrocytes dans ce processus commence à être mieux compris. S’ils sont eux-mêmes affectés par des toxines ou des facteurs environnementaux, cela pourrait accélérer la dégénérescence neuronale », précise-t-il. Autant de pistes qui permettraient de mieux traiter les pathologies et les personnes qui en souffrent.
Des perspectives pour la médecine
Loin de se limiter à la théorie, ces recherches pourraient déboucher sur des applications concrètes. « La première étape est de confirmer nos hypothèses, insiste le chercheur. Si nous démontrons que l’exposition aux pesticides a un effet direct sur les astrocytes et qu’elle favorise le développement de maladies neurologiques, cela pourrait renforcer les mesures de prévention et encourager la limitation de ces substances dans notre environnement. »
Par ailleurs, mieux comprendre le rôle des astrocytes pourrait permettre de développer des traitements ciblés pour réintroduire la plasticité cérébrale chez l’adulte après des lésions cérébrales. « Nous réfléchissons à des molécules capables de protéger ou de restaurer les fonctions des astrocytes pour éviter les dommages aux neurones. » Dans la maladie d’Alzheimer, des stratégies thérapeutiques innovantes ciblent les mécanismes cellulaires impliqués dans l’accumulation des protéines toxiques.
Mais la recherche possède aussi ses défis. « La reproductibilité des expériences est un enjeu fondamental », souligne Rodrigo Alvear Perez. « Nous devons nous assurer que chaque protocole est rigoureusement appliqué pour obtenir des résultats fiables. » De plus, les conditions de financement demeurent parfois difficiles. « Il est essentiel de continuer à attirer de jeunes chercheurs et à soutenir la recherche fondamentale », insiste-t-il.
Loin d’être de simples cellules de soutien, les astrocytes s’imposent comme des acteurs centraux du fonctionnement cérébral et des maladies qui l’affectent. Décrypter leur rôle pourrait bien révolutionner notre approche des troubles neurodégénératifs et neurodéveloppementaux. Du fond des laboratoires, ces cellules longtemps délaissées par la science pourraient bien détenir le secret de pathologies parmi les plus complexes de notre temps. Leur exploration promet une révolution dans la prévention et le traitement de maladies jusqu’ici insaisissables.
*Rodrigo Alvear Perez est ingénieur d’étude au sein de l’équipe Physiology and Physiopathology of the Gliovascular Unit du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie du Collège de France.