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L’eau atmosphérique, nouvelle frontière du droit international

Avenir Commun Durable
Thomas Fuhrmann, CC BY-SA 4.0.

Avenir Commun Durable, fidèle à sa mission d’origine, soutient le Collège de France dans ses activités de recherche. En 2024, suite à un appel à projets suivi, l’initiative a décidé de soutenir trois projets ambitieux. L’un d’eux s’intitule « Regards croisés sur l’eau atmosphérique ».

L’eau atmosphérique, présente sous forme de vapeur, de gouttelettes d’eau liquide et de cristaux de glace, joue un rôle considérable dans la physique de l’atmosphère et du climat. Aux côtés des autres formes d’eau, elle constitue le principal vecteur à travers lequel nous percevons les effets des changements climatiques. Les recherches menées sur les limites planétaires révèlent que les cycles naturels de la Terre ont gravement été perturbés, affectant non seulement le climat et la biodiversité, mais aussi les principaux cycles chimiques et hydriques.

Contrairement aux apparences, le contrôle de l’eau atmosphérique est un enjeu ancien. Le regard sur le passé nous apprend que durant une large part de son histoire, le monde méditerranéen a connu des lois et des pratiques relatives à l’eau atmosphérique et sa maîtrise sous ses différentes formes. Étant perçue tantôt comme une ressource, tantôt comme un danger, sa captation ou son contrôle via des puissances rituelles font l’objet d’un grand intérêt. Si ces préoccupations reposent sur une cosmologie où les conceptions religieuses jouent un rôle prépondérant et se trouvent aujourd’hui bien éloignées des structures légales occidentales modernes, elles considèrent l’eau atmosphérique comme un sujet à part, lui réservant une catégorie de pensée et un cadre légal spécifiques.

De manière paradoxale, le droit international contemporain et de nombreux ordres juridiques internes ignorent largement l’eau atmosphérique. Son statut, sa gestion et sa protection ne font ainsi l’objet d’aucune réglementation. En droit international, l’eau atmosphérique n’est en effet saisie que par l’intermédiaire des rares instruments relatifs aux manipulations de l’environnement.

Cette question revêt pourtant une importance cruciale. La collecte d’eau de brouillard et l’ensemencement des nuages sont devenus des sujets d’intérêt majeur dans le contexte de l’adaptation aux changements climatiques. Ces derniers exacerbent les pénuries d’eau, contribuent à l’assèchement de la végétation et entraînent une baisse du niveau des cours d’eau dans de nombreuses régions à travers le monde. 

Le présent projet de recherche vise donc à combler les lacunes présentes en droit international, en explorant les perceptions et les régulations de l’eau atmosphérique à travers l’histoire et les différents systèmes culturels, ainsi qu’en contextualisant cette lacune épistémologique contemporaine. L’étude résolument pluridisciplinaire, mêlant droit international, ethnographie, histoire et théologie, engagera une réflexion approfondie sur les moyens permettant d’assurer une gestion durable et équitable de l’eau atmosphérique.

Le projet est porté par Thomas Römer, professeur au Collège de France, et Laurence Boisson de Chazournes, professeure à l’université de Genève et ancienne titulaire de la chaire Avenir Commun Durable.

L’initiative Avenir Commun Durable bénéficie du soutien de la Fondation du Collège de France, de ses mécènes, Faurecia et Saint-Gobain, et de ses grands mécènes La Fondation Covéa et TotalEnergies.