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Causation: New Prospects. Colloque du Pr Tiercelin. Les 05 et 06 décembre 2013

Mouvements de l’air rencontrant une surface courbe inclinée. Chronophotographie sur plaque fixe
Mouvements de l’air rencontrant une surface courbe inclinée. Chronophotographie sur plaque fixe, Etienne-Jules Marey, 1901

Séminaire sous forme de colloque en anglais.

La philosophie de la causalité a connu ces quarante dernières années un essor considérable, dont il n'est pas sûr qu'il ait toujours été apprécié en France à sa juste mesure. En effet, on a beaucoup de mal à se défaire de l'idée que la philosophie de la causalité consisterait pour l'essentiel : à rappeler la critique humienne de l'idée de connexion causale ; à juger cette critique définitive (mais relativement superficielle) ; à réexposer la position criticiste de Kant dans laquelle le mouvement inauguré par Hume serait à la fois pleinement développé et rendu philosophiquement profond ; à soutenir que la science du XXe siècle aurait établi le caractère intrinsèquement indéterminé de la nature ultime de la réalité ; à affirmer, enfin, qu'il existe entre cette leçon supposée de la science du siècle écoulé et une position comme celle de Kant (qu'on n'imagine pas vraiment remettre en cause) une relation telle que celle-ci est validée (plutôt que mise en difficulté) par celle-là.

L'essor de la philosophie de la causalité depuis le début des années soixante-dix s'est, en grande partie, inscrit dans le grand mouvement de renouveau de la métaphysique entamé depuis cette période, qui est allé de pair avec l'essor de la métaphysique des lois de la nature, de la modalité, de la probabilité ou des propriétés. Une des caractéristiques remarquables de la période philosophique actuelle, que ce colloque voudrait faire apparaître, est que les derniers développements les plus prometteurs en ces différents domaines - et en philosophie de la causalité en particulier - ont pour principe leur entrecroisement serré, succédant à l'aspect parfois hyperspécialisé des recherches de la période antérieure.

Les questions particulièrement vives qui seront abordées au cours de ces deux journées sont notamment les suivantes : lorsqu'on affirme que C est la cause d'un effet E, sur quelle base, ou d'après quels critères, distingue-t-on C de l'une ou l'autre des conditions impliquées dans l'occurrence de E ? Peut-on soutenir qu'une cause suffit à produire son effet, tandis qu'une condition de E est simplement nécessaire à son occurrence ? Peut-il y avoir une connexion causale entre C et E sans nécessitation de E par C ? À supposer que l'occurrence de E soit indéterminée, au sens où elle serait dépourvue de conditions suffisantes, serait-elle pour autant sans cause ? Faudrait-il adopter une conception probabiliste de la causalité pour rendre compte de l'occurrence de E ? Une telle conception - selon laquelle une cause augmente la probabilité de son effet - est-elle défendable ? Le fait que X augmente la probabilité de l'occurrence de Y est-il nécessaire et/ou suffisant pour que X soit la cause de Y ? Le problème dit de la « préemption » ne l'interdit il pas ? Quelle est, par ailleurs, la nature métaphysique de la connexion entre une cause C et son effet E ? S'agit-il d'une corrélation statistique, d'un processus physique, d'une relation de dépendance contrefactuelle, d'une subsomption nomologique ? En quoi consiste ensuite la nature métaphysique des relata causaux : sommes-nous en présence de faits, d'événements, d'objets, de propriétés ? Autres questions encore : des absences, des omissions, des non-occurrences peuvent-elles être entendues comme des causes véritables ? Relativement, cette fois, à ce qui est en jeu dans l'explication causale : donner une explication causale de E par C  revient-il ou non à soutenir que C est la cause de E ? Ou se peut-il que E soit causalement expliqué par C sans que C soit tenu pour une cause véritable de E ? Notre concept de causalité (causation) recouvre-t-il deux idées fondamentalement distinctes : celle d'un rapport de dépendance contrefactuelle entre C et E (si C ne s'était pas produit, alors E ne se serait pas produit non plus), et celle d'une production physique ou mécaniste de E par C ? Importe-t-il, en particulier, de faire une telle distinction pour répondre à la question de savoir si la causalité est transitive ? Par ailleurs, une connexion causale est-elle nécessairement la connexion de deux relata temporellement distincts, ou bien C et E peuvent-ils être simultanés ? Doit-il y avoir une priorité temporelle de C sur E pour que C puisse être une cause de E ?
Que l'idée de causalité soit ou non, comme a pu l'écrire Russell, « la relique d'un âge révolu, qui ne survit, comme la monarchie britannique, que parce que l'on suppose à tort qu'elle ne fait de mal à personne » le colloque voudrait faire apparaître qu'il faut d'abord être en mesure de trancher le genre de questions que l'on vient d'évoquer pour qu'un tel verdict puisse être prononcé, et que le cœur du travail philosophique sur la causalité réside dans le traitement précis de ces questions.