Les groupes et les réseaux de sociétés sont le théâtre de phénomènes de multiplication des pôles de pouvoir et de dilution du pouvoir qui donnent une acuité particulière à l’une des grandes problématiques qui traversent aujourd’hui le droit de la responsabilité, celle de l’identification du responsable.
La redéfinition des espaces d’appréciation des droits des salariés au-delà de l’entreprise est extrêmement familière du droit du travail. De ce point de vue, la jurisprudence sociale sait parfaitement aller au delà des partitions sociétaires et a même une aptitude particulière à penser ce que l’on peut appeler le choix organisationnel. En revanche, l’attribution de la responsabilité à la société mère se heurte à la construction du droit du travail autour de la figure de l’employeur, seul débiteur des obligations et, par conséquent, au principe de l’autonomie de la personne morale.
La réflexion sur les schémas de responsabilités peut néanmoins s’opérer à travers la notion d’imputation, qui autorise une dissociation entre l’auteur de l’acte et la personne juridique responsable. L’étude des voies d’imputation fait alors apparaître une évolution. Tandis que certains mécanismes reposent sur la nécessité d’une solidarité des sociétés d’un groupe en raison du manquement à l’exécution d’une même obligation, d’autres mécanismes tentent de renouer avec une vision distributive de la responsabilité, les différentes sociétés étant débitrices d’obligations distinctes, et complémentaires les unes des autres. C’est dans ce cadre que s’inscrit le recours à la responsabilité civile délictuelle ou, d’une autre nature, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères.
L’étude de ces différentes techniques d’imputation doit aussi s’accompagner de celle des justifications à cette imputation. Contrôle de la structure, contrôle de l’activité de la filiale ; participation à un processus d’activité constituent autant de raisons de l’évolution des schémas de responsabilité.
En définitive, la relation d’emploi doit être aujourd’hui pensée dans son rapport à la relation sociétaire. Se profile, derrière ces évolutions, un renouvellement du modèle de l’entreprise, constitutif du droit du travail, ainsi qu’un déplacement du regard de la société vers l’entreprise.