Je partirai, pour planter le décor des cours de cette année, d’une revue très complète de Lopez-Otin et ses collègues (Cell 153: 1194-1217, 2013) qui tâche de définir les marques du vieillissement, face moins souriante de la longévité, non pas seulement cérébrale, mais générale. La longévité est une question importante qui ne peut se penser en terme de dégradation plus ou moins rapide des organismes à partir d’un âge arbitrairement proclamé « âge idéal ». On doit au contraire se replacer dans la problématique souvent énoncée dans les années passées d’une instabilité des structures vivantes et d’un renouvellement permanent des organismes qui s’opère aux niveaux moléculaire et cellulaire. À quoi il faut ajouter une évolution des individus modifiés épigénétiquement, dans la structure de leur chromatine, celle aussi de leurs réseaux de neurones, au niveau synaptique et morphologique. Cette distinction entre vieillissement et adaptation par individuation, cette nécessité d’identifier cette part d’adaptation incluse dans le vieillissement est importante puisqu’elle trace la distinction entre les organismes qui ont une histoire et une mémoire et ceux qui vivent dans l’immédiateté de l’instant présent.
Évidemment la distinction n’est jamais aussi tranchée et on trouve de l’épigénétique et de l’adaptation individuelle dans tous les organismes, même les plus simples, comme C. elegans et ses quelque 300 neurones. Dans cette approche de la longévité qui repose sur la compréhension du renouvellement et/ou de l’évolution des structures, nous sommes obligés de distinguer, parmi les organes, ceux qui sont l’objet d’un renouvellement cellulaire continu, comme l’intestin, la peau ou le système hématopoïétiques et ceux qui sont seulement partiellement renouvelés comme le cerveau. Cet organe, en effet, est un mélange de neurones post-mitotiques et de neurones qui se renouvellent à partir de cellules souches, sans parler des autres types cellulaires (astrocytes, oligodendrocytes, macrophages, cellules endothéliales vasculaires) qui feront l’objet d’un ou deux cours dans les années prochaines. Nous voyons que nous allons retrouver dans notre approche de la longévité cérébrale nombre de thèmes déjà abordés dans les années précédentes. Je me permettrais d’y revenir si nécessaire, même si nous allons aborder ensemble des questions nouvelles.
Dans l’article auquel je faisais allusion, Lopez-Otin et ses collègues définissent le vieillissement, sous l’angle du déclin fonctionnel qui touche tous les organismes vivants. Cet article commence par une observation que nous pourrons prendre à notre compte au cours des jours qui viennent et concerne le lien entre cancer et vieillissement du point de vue de l’accumulation de lésions au niveau génétique, cellulaire et organique ; accumulation qui ne transforme la physiologie en pathologie (pour les aspects pathologiques du vieillissement) qu’à partir d’un certain seuil. Et comme il s’agit de physiologie, d’homéostasie donc, on doit considérer que toute intervention sur ces processus entraîne nécessairement une réaction, une régulation. En effet, l’homéostasie doit se définir comme un système de régulations qui maintiennent les variations des éléments d’un ensemble physiologique dans des limites compatible avec la normalité (la santé donc).