Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Au moment même où Valéry expose l’idée d’une poésie pure, fondée sur le modèle de la musique, et qui suscite de vifs débats durant les années 1920, il considère également que la poésie est morte (avec la génération disparue sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale). Sa réflexion sur l’art est empreinte d’une sorte de darwinisme selon lequel l’ensemble des artistes recherchent, par des tentatives multiformes, la meilleure façon de peindre en général : ainsi, en affirmant que « le peintre cherche la peinture », il rend compte de l’idée d’un progrès qui s’obtient via l’ensemble des peintres (et plus généralement, des artistes).

La coupure que représente la Grande Guerre va déterminer l’attitude existentielle de Valéry, qui est une attitude de l’écart. Il s’agit pour lui de s’arrêter dans le flux des pensées et des sensations, de prendre une distance et de réfléchir : nous ne valons que par l’arrêt que nous faisons sur nos jugements et nos croyances. Mais cet arrêt est un idéal auquel on ne peut se livrer que de façon ponctuelle, et que Valéry mythifia sous le nom de « nuit de Gênes » : cette nuit d’orage à Gênes, en 1892, où, en pleine crise amoureuse et poétique, il aurait subitement décidé d’arrêter son activité de poète pour entamer une démarche réflexive. Il commença alors ses fameux Cahiers, qu’il poursuivra jusqu’à sa mort. Il se remit à la poésie dans les années 1910, en une double activité de poète et de penseur de la poésie.

C’est pourquoi le cours de cette année s’intitule « Valéry ou la Littérature ». Valéry est une figure représentative de la littérature, il est l’un de ces poètes qui ont défini l’essence même de la littérature, son caractère de pure forme : d’où la capitale à Littérature. Mais il est aussi un penseur de l’écart, qui a besoin de prendre ses distances avec la pratique de la littérature pour pouvoir la penser. Il est à l’image de ce qu’il fait dire à Socrate, l’un des personnages de son dialogue Eupalinos ou l’architecte : « je suis né plusieurs ». Nous ne pouvons être nous-mêmes que parce que nous aurions pu être autres.

Penser, c’est vivre une seconde fois : c’est avoir conscience des autres choix possibles, ne pas se laisser enfermer dans un choix définitif. Penser crée un écart par rapport à soi. Notre cours s’intéresse donc au passage d’un Valéry poète à l’autre, celui qui « se fout » de la poésie, selon le témoignage de Gide, et à leur coexistence.

La dualité de Valéry s’exprime particulièrement au schéma des deux montagnes reproduit dans l’édition du Cours de poétique. D’un côté se trouve la montagne (ou pyramide) des besoins corporels, et de l’autre la montagne des créations du langage : l’une et l’autre proposent des besoins ou des créations de base, et des raffinements (au sommet) auxquels il est difficile d’accéder. Ce schéma est la représentation à la fois d’un idéal et de l’impossibilité de s’y tenir.

Événements