Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Cette séance et la suivante portent sur le retour dans le Pacifique des Polynésiens ayant voyagé avec les Européens. Qu’ont-ils appris pendant leur séjour à Paris, à Londres ou à Lima ? Cette expérience est-elle une ressource ou un embarras ? Ont-ils été préparés à ce qui les attendait ?

Plusieurs observateurs ont jugé de façon très critique l’absence de véritable éducation donnée à Ahutoru et à Mai pendant les longs mois qu’ils ont passé en Europe. Le président de Brosses regrette le manque de détermination de la monarchie qui, au lieu de profiter d’Ahutoru pour poursuivre l’exploration de la Polynésie et établir les intérêts français à Tahiti, s’est contenté de lui faire voir les spectacles parisiens avant de le renvoyer dans des conditions hasardeuses. De même Georg Forster critique sévèrement l’absence de préparation du voyage retour de Mai, alors que celui-ci aurait pu être « le bienfaiteur et le législateur » de ses compatriotes. Le langage de l’utilité et du progrès, caractéristique des Lumières, s’accompagne d’un discours condescendant dans lequel les Européens doivent guider les autres peuples sur le chemin de la civilisation.

Dans un deuxième temps, nous suivons le destin tragique d’Ahutoru, qui s’embarque en mars 1770 pour l’île de France, à bord d’un navire de commerce. De là, suivant les instructions du ministre de la Marine, le duc de Choiseul, une expédition doit être organisée pour le ramener à Tahiti. Mais un ensemble de difficultés surgissent et Ahutoru passe un an à l’île de France, sous la responsabilité de l’intendant Pierre Poivre, au moment où l’île devient une pièce maîtresse de la politique coloniale française dans l’océan Indien, Poivre nourrissant l’ambition de la transformer en île à épices. Nous évoquons les débats suscités par la thèse de Richard Grove sur l’action de Poivre faisant de l’île de France un laboratoire des premières politiques environnementales. Un autre protagoniste de cette histoire est Bernardin de Saint-Pierre, qui passe deux ans à l’île de France, où il situera plus tard son roman à succès Paul et Virginie. Bernardin rencontre plusieurs fois Ahutoru et laisse un témoignage de sa situation sur l’île, où il découvre l’esclavage et l’économie de plantation.

À l’automne 1771, Ahutoru s’embarque finalement avec Marion-Dufresne qui est chargé de le ramener à Tahiti et de rapporter des plants d’épices à l’île de France. Il ne fera ni l’un ni l’autre. Victime de la variole, Ahutoru tombe malade dès le départ et meurt le 6 novembre, trois ans et demi après avoir quitté son île. Marion-Dufresne est tué par des guerriers Maoris en Nouvelle-Zélande quelques mois plus tard.