Prolongeant les enquêtes sur les choix théologiques faits par les autorités de la Colonie Auguste des Trévires, nous avons analysé quelques figures divines attestées par des inscriptions du « parc cultuel » de l’Altbachtal, à Trèves : Mercure qui possède un édicule près d’une des entrées dans cet ensemble de lieux de culte, et qu’une inscription qualifie de « Mercure des pérégrins », donc de ceux qui sont de passage, et non des citoyens de la cité. Cette désignation témoigne d’une réflexion sur la fonction de Mercure, qui patronne le passage, le déplacement. Une autre divinité, Pisinthus, indéniablement locale, est interprétée par l’appellation « Vertumnus ». Plus exactement, le dieu est appelé Vertumnus siue Pisinthus. Ce siue est significatif. Vertumne était le dieu de la métamorphose, il était la métamorphose. Et donc siue correspond à sa manière d’être et d’apparaître. Or Vertumne était une divinité assez rare, qui était surtout connue par Properce et Ovide. Le Trévire qui a rédigé le texte de cette dédicace était donc bien au courant de la théologie de la ville de Rome, et sans doute des textes littéraires qui la diffusaient.
Le même type de source est sans doute à l’origine d’une lamelle de défixion de Cambodunum (Kempten) en Rhétie, qui s’adresse aux Mutae Tacitae, en les priant de réduire au silence un certain Quartus et de la conduire aux portes des Enfers. Or tel est le rite à Muta Tacita (un singulier chez le poète) que rapporte Ovide dans les Fastes pour le lendemain des Parentalia, et aussi le mythe étiologique qui commente le rite. Donc, une fois de plus, la culture rituelle et théologique des populations provinciales est attestée par une modeste lamelle de malédiction.