Mes recherches sur ce sujet se sont développées pendant une quarantaine d’années dans des directions très diverses : depuis l’enquête sur les raisons qui ont conduit à la restauration de ce collège de prêtres, en passant par l’exploration du lieu du culte et l’exploitation des renseignements tirés de la lecture des comptes rendus annuels que nous a laissés cette confrérie. J’ai profité du cours pour fermer aussi, définitivement je l’espère, un certain nombre de dossiers que j’avais écartés au cours des années 1980, quand je rédigeais la synthèse que j’ai consacrée aux arvales.
Qui étaient donc les frères arvales ? Il s’agit d’une confrérie de douze prêtres, qui avaient pour mission de célébrer chaque année dans un bois sacré situé à 8 km à l’ouest de Rome un sacrifice à Dea Dia, une déesse qui dispensait la bonne lumière céleste au moment, crucial, du mûrissement des céréales. Ils étaient responsables du bois sacré de la déesse, et chargés aussi de célébrer, à Rome, avec les autres prêtres publics, des services religieux pour le salut du prince. Quels étaient donc ces arvales, et notamment les premiers arvales ? On connaît leurs noms par la liste des présents qui figure sous chaque protocole de réunion de la confrérie. Mais on ne les avait jamais étudiés en tant que groupe, et on ne savait pas pourquoi l’empereur Auguste avait restauré cette confrérie. J’entrepris de reconstruire à partir des biographies des premiers arvales la raison de la refondation de la confrérie. À l’époque, on pensait qu’il s’agissait d’une confrérie ranimée par Octavien/Auguste à l’endroit-même où elle célébrait, sinon depuis toujours, en tout cas depuis longtemps, le culte de Dea Dia. Il y a quatre ans de cela, j’ai longuement entretenu mon auditoire au sujet de ce problème et je crois avoir démontré qu’Octavien a réellement créé les frères arvales bien plus qu’il n’a restauré leurs activités. Au ier s. av. J.-C., les érudits se rappelaient encore le nom de frère arvale, sans plus très bien savoir ce que ces confrères faisaient. C’était une vieille institution publique ou aristocratique, depuis longtemps moribonde, avant que les nouveaux maîtres de Rome ne voient le parti qu’ils pouvaient en tirer.
En ce qui me concerne, je me suis lancé à l’époque dans ce qu’on appelle une étude prosopographique des arvales siégeant dans la confrérie pendant le premier siècle de leur seconde vie. Mes conclusions furent les suivantes. Les premiers arvales et même les arvales du siècle des Julio-Claudiens étaient des aristocrates du plus haut rang. La plupart appartenaient à de vieilles familles patriciennes, les Claudii, les Cornelii, les Valerii, les Domitii, les Pompeii et bien entendu les Iulii.