Dès la fin du XIXe siècle, une attention particulière a été portée par les biologistes à l’altération des processus de croissance dans l'évolution humaine. Les modèles théoriques de la néoténie et de l'hypermorphose se révèlent cependant trop simplistes pour expliquer l’évolution anatomique de l'homme. Il n'en reste pas moins que, dans notre espèce, le développement ontogénique présente des particularités tout à fait originales. Comparée à celle de nos plus proches parents primates, la croissance humaine se caractérise notamment par sa durée prolongée et par la présence d'une phase de croissance accélérée durant l'adolescence.
Une partie de ces modifications adaptatives est liée à la présence chez l'homme d'un cerveau de grande taille qui est très consommateur d'énergie, en particulier durant la petite enfance. L'extension de la croissance volumétrique du cerveau après la naissance et la mise en place d'un sevrage précoce ont permis à l'espèce humaine de répondre aux contraintes anatomiques et énergétiques qui résultent de son niveau élevé d'encéphalisation. Grâce au partage de nourriture au sein de réseaux sociaux et familiaux, les femmes peuvent élever simultanément plusieurs enfants d'âges différents et transférer vers d'autres adultes une partie du fardeau énergétique que cela représente.
L'examen de différents groupes d'hominines fossiles démontre que l'on ne peut pas simplement opposer un modèle de développement « humain » à un modèle « grand singe ». En réalité, chaque groupe considéré semble avoir réalisé un modèle de croissance différent qui répond à des conditions anatomiques et comportementales particulières. C'est apparemment seulement assez récemment au cours de l'évolution humaine, sans doute uniquement au sein de notre espèce, Homo sapiens, que s'est mis en place un mode de croissance comparable à celui que l'on observe dans les populations actuelles.