Les premières années du règne

Résumé

Les premières années du règne de Samsu-iluna sont mal connues. Du point de vue des sources, nous sommes handicapés du fait que nous n'avons pas de correspondance de Samsu-iluna équivalente à ce qu'on possède pour Hammu-rabi. Envoyées par Hammu-rabi, nous avons quelques lettres dans le palais de Mari, mais surtout plus de 200 lettres envoyées à Larsa après l'annexion babylonienne : la moitié adressées au gouverneur Sin-iddinam, l'autre moitié au responsable du domaine royal, Šamaš-hazir. Rien de tel pour Samsu-iluna, sans qu'on sache exactement pourquoi. La seule explication possible est qu'il remplaça Sin-iddinam et Šamaš-hazir par d'autres personnes qui gardaient leurs archives dans leurs demeures, épargnées par les fouilles clandestines.

L'entourage du roi comportait à la fois sa famille et les hauts dignitaires du royaume. Pour ce qui est de sa famille, le dossier a été vite examiné : il est vide. Nous ignorons qui furent sa mère, ses épouses, ses enfants (à l'exception de son successeur Abi-ešuh). Un seul texte nous permet d'avoir une idée de l'entourage de Samsu-iluna : il s'agit d'un document daté de l'an 8 par lequel le roi vendit un champ de 185 arpents à une religieuse-nadîtum de Sippar, pour la somme importante de 10 mines d'argent^[1]. On y trouve en tête des témoins Marduk-mušallim, qualifié de šâpir rêdê, une sorte de généralissime. Il est suivi par un personnage nommé Sumu-Hammu, qui pourrait avoir été un neveu du roi. Puis vient le ministre de l'Économie (šandabakkum), nommé Nabium-malik ; il est suivi par un personnage sans titre mais au nom sumérien éloquent, Namtilani-idu, qui signifie « Sa vie (i.e. celle du roi) est bonne ». Viennent ensuite deux chefs des barbiers, Sagil-mansum et Ea-reṣušu. On trouve ensuite un intendant (šandabakkum) du palais, Damiq-Marduk, puis deux ministres-šukkallum, Adad-ili et Hadanšu-likšud. Là semble s’arrêter la liste de l’entourage royal, la suite mentionnant des autorités locales de Sippar.

Pour connaître les actions du roi, l'historien de l'époque paléo-babylonienne se tourne naturellement vers les noms d'années, qui commémorent les hauts faits du souverain. Souvent, on peut mettre ces noms d'années en rapport avec des inscriptions commémoratives qui développent la même thématique : il n'en est rien en ce qui concerne les sept premières années de Samsu-iluna, et la moisson est plutôt décevante. La séquence concerne tour à tour trois thématiques : la justice, le creusement de canaux, des offrandes aux divinités dans leurs temples. Dans cette dernière catégorie, le nom de l'an 5 est intéressant : « Année où Samsu-iluna, le roi, fit faire un trône en offrande à Nanna, sa divinité personnelle, et où il l'installa dans l'Ekišnugal, son temple pur ». Deux tablettes des archives du général Abisum, retrouvées à Ur dans sa vaste maison du quartier AH lors des fouilles du printemps 2017, enregistrent une dépense de poissons pour le « repas du roi » au début de l'année 5 du règne de Samsu-iluna. Cela montre que le souverain babylonien était alors venu jusqu'à Ur et confirme que l'Ekišnugal dont il est question dans le nom de l'an 5 est bien celui d'Ur et pas le temple homonyme de la capitale. Nous ne connaissons pas le détail de ce voyage, ni toutes ses étapes. Mais nous pouvons constater que dans son nom d'année Samsu-iluna mit l'accent sur Ur, et non sur Larsa, où l'on peut supposer qu'il séjourna aussi : comme s'il voulait donner plus d'importance à la métropole religieuse du Sud qu'à l'ancienne capitale de Rim-Sin.

Les sept premières années du règne semblent avoir été marquées par une sévère crise économique. Dès la troisième année suivant la proclamation de la mîšarum, les arriérés s'accumulèrent, signe manifeste de difficultés. On voit clairement la faiblesse du système : au moment d'une mîšarum, la remise des arriérés par le roi revenait à remettre les compteurs à zéro, mais on ne changeait pas les règles du jeu. Et donc les mêmes causes produisaient les mêmes effets : les rois n'avaient pas l'idée qu'une remise ponctuelle ne suffisait pas et qu'il aurait fallu ce que nous appelons des réformes structurelles. L'existence d'une mîšarum en l'an 8 de Samsu-iluna a été d'abord connue par la publication en 1965 d'un fragment du texte de l'édit issu des fouilles de Scheil à Sippar en 1894, et daté du mois III de l'an 8. Trente ans plus tard, un deuxième fragment d'un édit de mîšarum de Samsu-iluna, conservé à Yale était à son tour publié. Que cet édit ait été appliqué est prouvé par les traces qu'il a laissées dans les archives de nombreux créanciers. On constate le même phénomène que pour la mîšarum de l'avènement de Samsu-iluna, de manière encore plus nette : de nombreux lots d'archives comportent des créances datant des mois précédant la proclamation de la mîšarum et de ce fait annulées par le roi. On a également retrouvé une lettre faisant allusion à l'application de la mesure et une autre qui cite un passage de l'édit (ṣimdatum). Samsu-iluna, constatant les effets de la crise économique, tenta donc d'en atténuer les effets sur la population de son royaume en proclamant une deuxième mîšarum, 8 ans à peine après la première. Mais cette mesure ne produisit pas les effets escomptés : la Babylonie fut aussitôt après en butte à la fois à des révoltes intérieures et à une invasion extérieure.

Référence

[1] BDHP 28, réédité dans D. Charpin, « Dons ou ventes de terres par les rois à l'époque paléo-babylonienne », dans G. Neumann, S. Paulus & K. Kleber (éd.), Grenzüberschreitungen. Studien zur Kulturgeschichte des Alten Orients. Festschrift für Hans Neumann anlässlich seines 65. Geburtstages am 9. Mai 2018, Dubsar 5, Münster, 2018, p. 99-142 (p. 115).