La métaphore du chant du cygne désigne l’œuvre ultime. Elle renforce le mythe de l’œuvre testamentaire et peut être associée au sénile sublime. Poussin y recourt en s’adressant au collectionneur Chantelou en 1657. Âgé de 63 ans, il est déjà affecté par le tremblement de sa main et rappelle la légende : « L’on dit que le cygne chante plus doucement lorsqu’il est voisin de la mort. »
Le chant du cygne est une fiction. Dans le chapitre sur le cygne de son Histoire naturelle des oiseaux, Buffon note que ce dernier passe pour un chantre merveilleux ; l’oiseau chanterait encore au moment de son agonie et dirait un adieu triste et tendre à la vie ; le cygne modulerait son propre hymne funéraire. C’est une fable, belle et touchante, qui remonte à l’Antiquité grecque.
Dans L’Iliade, le cygne chante déjà, mais sans lien avec la mort. La première attestation de son chant de mort se trouve chez Eschyle dans Agamemnon. C’est à propos de la prophétie de Cassandre, comparée à un cygne entamant son chant ultime, son chant de mort. L’image est aussi présente chez Platon, dans le Phédon. Socrate, sur le point de mourir, s’identifie lui-même au cygne. Si ces oiseaux font entendre le plus beau de leurs chants au moment de mourir, c’est parce qu’ils savent qu’ils vont retrouver Apollon. Affiliés à ce dernier, ils ont un don divinatoire et chantent alors plus joyeusement que jamais. Socrate est comme les cygnes, il n’a pas de chagrin à quitter la vie : la joie l’habite face à la mort et à l’immortalité. Le chant de mort est le plus beau, devant une mort qui n’est pas redoutée. En cela, les cygnes, comme Socrate, sont supérieurs au commun des mortels.